"La success story de l'impressionnante croissance de Facebook dissimule une autre histoire : celle du reflux des contenus d'information de qualité sur les plateformes de Meta."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 2 fevrier 2024.
Ce 4 février 2024, Facebook fête ses 20 ans. Le réseau social le plus utilisé au monde a donné naissance à un empire qui façonne l’espace public en ligne, sans réel garde-fou contre la désinformation de masse. Reporters sans frontières (RSF) appelle le groupe devenu Meta à mettre en place de toute urgence ses six recommandations pour protéger le droit à l’information sur l’ensemble de ses plateformes.
Mark Zuckerberg a présenté ses excuses au Sénat américain le 31 janvier 2024 sur les manquements de ses plateformes pour protéger leurs jeunes utilisateurs des risques de harcèlement notamment. Plutôt que des excuses partielles sur un des multiples dangers inhérents à la non-régulation des plateformes, RSF appelle Mark Zuckerberg à des actes forts, notamment en matière de protection de ses utilisateurs et de leur droit à une information fiable et de qualité. L’organisation l’exhorte à soutenir le journalisme fiable et de qualité, à lutter contre la circulation des deepfakes non identifiables comme telles, et à encadrer le statut des influenceurs.
“La success story de l’impressionnante croissance de Facebook dissimule une autre histoire : celle du reflux des contenus d’information de qualité sur les plateformes de Meta. La suppression de Facebook News ou le bannissement des contenus des médias au Canada sont des symptômes de la politique régressive du groupe en matière de droit à l’information. La politique de Meta est claire : journalistes, dehors ! Engagée dans une course aux profits sans limites, l’entreprise de Mark Zuckerberg néglige que des milliards d’individus dépendent dorénavant de ses services pour s’informer et se forger une représentation du monde. Nous demandons à Meta de prendre ses responsabilités et de protéger le droit à l’information sur ses plateformes.”
Vincent Berthier
Responsable du bureau technologies de RSF
Alors que Facebook fête ses 20 ans le 4 février 2024, Mark Zuckerberg est devenu l’un des hommes les plus riches et les plus puissants du monde grâce au réseau social qu’il a créé, selon la légende, dans sa chambre d’étudiant. Pour RSF, cette histoire idyllique de l’entrepreneur de génie n’est que le glorieux récit de la manière dont le capitalisme numérique a ravagé le droit à l’information et les démocraties. Face au tel contrôle de l’espace public en ligne qu’elle possède, l’entreprise doit s’engager à protéger le droit à l’information en adoptant les six recommandations de RSF suivantes :
Soutenir le journalisme fiable et de qualité sur ses plateformes :
- Promouvoir des sources fiables et favoriser le pluralisme des sources dans les algorithmes de curation de contenus : les algorithmes de curation doivent prendre en compte la fiabilité de ceux qui produisent les contenus et les valoriser. Pour cela, Meta devrait s’emparer de la Journalism Trust Initiative (JTI), une norme européenne d’autorégulation, fruit de l’expertise de professionnels du monde entier réunis par RSF, qui certifie les médias respectant les standards du journalisme de confiance.
- Renforcer la visibilité des journalistes qui utilisent les plateformes de Meta pour informer : de nombreux journalistes développent des contenus natifs sur les plateformes. Ces créateurs doivent être soutenus, notamment par une meilleure visibilité des sujets d’actualité qu’ils traitent sur les plateformes grâce à des partenariats, actions de communication ainsi qu’une valorisation algorithmique.
Encadrer les influenceurs, ces utilisateurs des réseaux sociaux plus visibles que de nombreux médias :
- Attribuer un statut aux influenceurs : compte tenu de l’impact considérable des “influenceurs” dans l’économie de l’attention, un compte d’utilisateur devrait être considéré comme très influent s’il compte au moins 50 000 abonnés, ou s’il est associé à une personne occupant des fonctions politiques ou à une personnalité publique ayant obtenu une certification de la part des plateformes. Les influenceurs de cette catégorie doivent être soumis à un code de conduite, à des obligations particulières, qui les engagent à faire preuve de transparence sur leur rémunération ou leurs affiliations politiques, le cas échéant.
- Concernant les influenceurs virtuels générés par l’intelligence artificielle : leurs bases de données d’entraînement doivent être alimentées par des contenus fiables et les instructions données aux chatbots doivent inclure certaines garanties afin de l’empêcher de produire de fausses informations.
Lutter contre la circulation des deepfakes, véritable poison des démocraties :
- Utiliser des standards d’authentification des images synthétiques : compte tenu de la responsabilité des grandes plateformes dans la circulation de l’information, il est indispensable qu’elles soient techniquement capables de distinguer le deepfake du contenu authentique, autant sur les contenus visuels et audiovisuels que sur les contenus audios.
- Favoriser la circulation de contenus authentiques en période électorale : lorsque les citoyens sont appelés aux urnes, l’accès à l’information fiable est particulièrement nécessaire face à un accroissement constaté de la désinformation en ligne. Les contenus signalés comme authentiques doivent être privilégiés dans les algorithmes sur les sujets politiques et d’information générale en période électorale, afin de minimiser les risques de désinformation portée par des contenus créés par l’intelligence artificielle.