(JED/RSF/IFEX) – RSF et son organisation partenaire à Kinshasa, JED, ont écrit au président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila pour « exprimer leur vive indignation et protestation contre la coupure du signal des chaînes privées du groupe RAGA à savoir RAGA FM, RAGA TV et RAGA Plus, et la rafle de journalistes qui […]
(JED/RSF/IFEX) – RSF et son organisation partenaire à Kinshasa, JED, ont écrit au président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila pour « exprimer leur vive indignation et protestation contre la coupure du signal des chaînes privées du groupe RAGA à savoir RAGA FM, RAGA TV et RAGA Plus, et la rafle de journalistes qui couvraient, jeudi 30 juin 2005 à Kinshasa, une manifestation des militants de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) ».
Selon les informations recueillies par les deux organisations, RAGA FM, RAGA TV et RAGA Plus n’émettent plus depuis 7h00 (heure locale), le 1er juillet. Des policiers en uniforme et en civil se sont présentés, sans mandat, au siège de RAGA à Kinshasa/Gombe et ont procédé à la coupure arbitraire du signal de ces médias. Ils ont emporté le mixeur qui servait à distribuer les émissions entre les différents supports.
« En début d’après-midi, répondant certainement à de fortes pressions politiques, la Haute Autorité des médias (HAM) a décidé l’interdiction, pour une durée de 10 jours, de RAGA FM et RAGA TV pour, officiellement, traitement impartial de l’information en rapport avec les faux directs des manifestations du 30 juin diffusés par ces médias. C’est un secret de polichinelle que la HAM a été chargée de donner une forme à une grossière bavure de la police », ont ajouté les deux organisations.
D’autre part, RSF et JED indiquent que le 30 juin, Luc Mikomo, directeur des informations à la chaîne privée RAGA TV, a été interpellé à son bureau et conduit au cachot communément appelé « Kin Mazière » dans la commune de la Gombe, par des éléments des Services spéciaux de la police nationale congolaise (renseignements généraux). Il a été relâché dans la nuit. Sa chaîne, qui retransmettait en faux direct des manifestations de l’opposition, a été sommée de cesser de le faire.
Le technicien Jules Mpata a été interpellé le même jour, tard dans la soirée, et gardé à vue à « Kin Mazière » avant d’être à son tour relâché quelques heures plus tard. Il lui était reproché d’avoir continué à diffuser les émissions malgré l’ordre donné par la police.
Basile Kokwalet, cameraman de la chaîne publique française RFO/AITV a été interpellé par des éléments du GSSP, garde personnelle du Président, au croisement des avenues Bongolo et Université à Kinshasa/Kalamu. Son matériel de travail a été confisqué avant de lui être rendu au moment de sa remise en liberté en début de soirée. Kokwalet a été conduit et gardé au camp militaire colonel Tshatshi à Kinshasa/Ngaliema.
John Ngombwa, de la chaîne privée Antenne A (AA), a été interpellé à sa rédaction pendant qu’il animait une émission. Il a été emmené, en même temps que Noël Ntunda, directeur des programmes de la même chaîne, par des éléments de la police nationale congolaise, au cachot de « Kin Mazière ». Tous deux ont été libérés vers 19h30.
Mills Tshibangu et Doudou Mukuna, journaliste et cameraman à la chaîne privée RadioTélé Kin Malebo (RTKM), ont été interpellés tôt le matin pendant qu’ils tournaient sur l’avenue des huileries à Kinshasa/Lingwala et conduits à la légion spéciale de la PIR (Police d’intervention rapide) à Kinshasa/Kasa-Vubu. Ils ont été relâchés en début d’après-midi.
Ces attaques contre les médias ne se sont pas arrêtées à la seule ville de Kinshasa. A Kikwit, deuxième ville de la province de Bandundu à l’ouest de la capitale, Kawanda Bakiman Nkorabishen, journaliste et rédacteur en chef de la radio communautaire TOMISA (propriété de l’Eglise catholique locale), a été battu par les militaires de la première région militaire, au niveau de l’hôtel Didi, pendant qu’il couvrait la marche des sympathisants de l’opposition. Le journaliste s’apprêtait à recueillir des informations auprès des militants du Palu (Parti lumumbiste unifié, opposition) lorsque des militaires sont venus disperser les manifestants. Kawanda a exhibé sa carte de presse, mais il a été copieusement battu et blessé.
RSF et JED ont indiqué « que ce n’est pas la première fois que des journalistes couvrant des manifestations de l’opposition sont assimilés aux manifestants et arrêtés sans le moindre ménagement, leurs outils de travails confisqués ou détruits » et ont souligné qu' »il est de plus en plus difficile pour des journalistes de l’audiovisuel de sortir leur matériel dans la rue pour filmer des scènes de la vie quotidienne, même banales, sans se faire interpeller par des services de sécurité qui ignorent, en ce qui concerne la presse internationale, l’accréditation obtenue en bonne et due forme auprès du ministère de la Presse et de l’Information. Aux journalistes congolais, il est même exigé un ordre de mission avant de pouvoir filmer dans la rue ».
En conclusion, RSF et JED demandent au président Joseph Kabila « d’ordonner le rétablissement du signal des médias du groupe RAGA et la restitution du mixeur emporté par la police nationale congolaise », de « réaffirmer son engagement à faire respecter le droit pour les journalistes de collecter, de traiter et de diffuser librement l’information » ainsi que de « sanctionner tous les détenteurs d’une parcelle de pouvoir public, civil et militaire, qui en useraient pour réduire au silence des médias ou des journalistes ».