Cinq ans après les faits le dossier d'instruction, un temps égaré à Bangui, a finalement été retrouvé, mais les circonstances et le mobile de l'assassinat de la photoreporter française restent à éclaircir.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 9 mai 2019.
Alors que la perspective d’un procès se dessine cinq ans après l’assassinat de la photoreporter française Camille Lepage en République centrafricaine (RCA), Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à mener toutes les investigations nécessaires, et notamment une reconstitution des faits, indispensable à l’établissement de la vérité.
Que s’est-il passé exactement ce 12 mai 2014 lorsque Camille Lepage a été tuée par balles dans la région de Bouar, à l’ouest de la République centrafricaine (RCA) ? Cinq ans après les faits le dossier d’instruction, un temps égaré à Bangui, la capitale de la RCA, a finalement été retrouvé, mais les circonstances et le mobile de l’assassinat de la photoreporter française restent à éclaircir. La thèse du guet-apens, dans lequel serait tombée une partie du groupe de miliciens anti-balakas -majoritairement chrétiens- avec lequel Camille Lepage se trouvait alors en reportage, semble pour l’heure être privilégiée par les enquêteurs. Les autres hypothèses, comme celle d’un règlement de comptes entre milices, ne devraient toutefois pas être écartées tant que toutes les investigations n’ont pas été menées. En RCA, l’affaire avait été inscrite au rôle lors de la dernière session criminelle à Bangui laissant présager l’ouverture prochaine d’un procès.
« Cinq ans après les faits, il est urgent et impératif de mener les enquêtes centrafricaines et françaises à leur terme en s’assurant que tout a été fait pour établir la vérité avant d’ouvrir un procès qui semble pour l’heure prématuré, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Nous demandons aux autorités françaises, centrafricaines ainsi qu’à la mission des Nations unies déployée sur place de tout mettre en oeuvre pour qu’une reconstitution soit réalisée afin d’établir plus précisément les circonstances entourant l’assassinat de cette journaliste. »
« On ne saura sans doute jamais précisément qui a tiré sur Camille, regrette Maryvonne Lepage, la mère de la journaliste contactée par RSF. Mais une enquête de terrain plus poussée et un déplacement des juges sur les lieux des faits nous donneraient plus de chances de connaître qui étaient les assaillants, leurs chefs, et leurs motivations. »
Un film sur Camille Lepage
En fin d’année dernière, une équipe de tournage s’est rendue en RCA pour y réaliser un film sur la photoreporter française. Il devrait sortir au cinéma d’ici à la fin de l’année. « Il retrace la singularité de Camille, son engagement à couvrir le conflit centrafricain au plus près du terrain avec un rapport humain très fort » souligne Boris Lojkine, le réalisateur.
Plus de cinq ans après le début de la guerre civile, la RCA reste un pays dangereux pour les journalistes. Trois reporters russes d’investigation venus enquêter sur la présence de mercenaires y ont été abattus en 2018. L’opacité totale dans laquelle ont été menées les investigations a conduit RSF a demandé l’ouverture d’une enquête internationale.
La RCA a perdu 33 places et figure désormais en 145e position au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.