RSF appelle les autorités et les partis politiques maldiviens à se montrer plus respectueux du travail des journalistes, même s'ils travaillent pour des médias dont ils ne partagent pas les opinions.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières appelle les autorités et les partis politiques maldiviens à se montrer plus respectueux du travail des journalistes, même s’ils travaillent pour des médias dont ils ne partagent pas les opinions. Des reporters proches de l’opposition ou travaillant pour des médias publics ont récemment fait l’objet d’agressions. Le directeur d’une télévision privée a été par ailleurs convoqué par le Département de l’Information. Contacté par Reporters sans frontières, le ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts, Mohamed Thoyyib, a assuré que le gouvernement n’avait aucune d’intention d’arrêter des journalistes ou d’influencer le contenu des médias.
« Les Maldives sont en passe de devenir l’un des pays d’Asie les plus respectueux de la liberté de la presse, mais une certaine forme d’intolérance partisane risque de compromettre tous ces efforts encourageants. Nous appelons les responsables gouvernementaux et politiques à prendre leurs responsabilités en faisant de la liberté de la presse une priorité commune. Il est également du devoir du gouvernement de ne pas tenter d’influencer le contenu des médias », a déclaré l’organisation.
Le Département de l’Information a convoqué le 23 juillet 2009 Yoosuf Nawal, directeur de la chaîne privée Dhi TV au sujet de certains programmes. Déjà, le 9 juillet, le gouvernement lui avait adressé une lettre de mise en garde. Interrogé par Reporters sans frontières, il a expliqué que le responsable du Département de l’Information avait menacé de lui retirer sa licence. Les autorités lui reprochent la diffusion, en direct, de la convocation dans un commissariat de police de l’ancien président Maumoon Gayoom, et un talk show au cours duquel seul un militant de l’opposition était invité. « Les conditions imposées pour garder notre licence nous interdisent de créer de la confusion dans l’opinion. Dans ces deux affaires, nous n’avons fait qu’un travail d’information », a précisé Yoosuf Nawal à l’organisation. Créé en juillet 2008, Dhi TV a obtenu une licence de diffusion du gouvernement précédent.
De son côté, le ministre Mohamed Thoyyib a expliqué qu’il « était de la responsabilité des autorités de faire respecter les termes de la licence accordée à Dhi TV » qu’il a accusée d’être « manipulée ».
Le 20 juillet, des militants du parti d’opposition DRP ont agressé Ibrahim Rasheed, journaliste de la chaîne publique Television Maldives, alors qu’il couvrait l’arrivée de l’ancien président Maumoon Gayoom dans un commissariat de police. Des militants du parti ont empêché d’autres journalistes de travailler librement.
Le 15 juillet, Ahmed Zahir, directeur du quotidien privé « Haveeru », a été frappé par des partisans du parti au pouvoir près du Parlement à Malé. Interrogé par Reporters sans frontières, Ahmed Zahir, connu pour ses critiques à l’égard du gouvernement, a affirmé que la police n’a pas sérieusement tenté d’identifier les coupables alors que son agression a été filmée par la télévision publique.
Par ailleurs, le Bureau du procureur a décidé de poursuivre l’instruction pour « diffamation » à l’encontre d’Abdul Hameed Abdul Kareem pour un article paru dans le magazine « Manas », en vertu du code pénal. Le journaliste risque une peine de prison s’il est reconnu coupable de « diffamation ». La Maldives Journalist Association a condamné cette décision tout en appelant les journalistes maldiviens à un meilleur respect des règles déontologiques.
Il est urgent que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif travaillent ensemble pour décriminaliser les délits de presse et adopter des lois sur la presse conformes aux standards internationaux.
Dans une lettre au chef de l’Etat datée du 19 juillet, la Maldives Journalist Association a également exprimé son inquiétude suite à un projet du gouvernement de ne plus publier dans la presse privée les annonces gouvernementales. Des représentants des médias audiovisuels privés ont également fait part de leurs difficultés économiques en raison du prix très élevé du loyer des licences de diffusion, décidé par le gouvernement précédent.
Le ministre Mohamed Thoyyib a tenu à préciser que le gouvernement n’avait « aucune intention d’arrêter des journalistes, de les traîner devant les tribunaux ou de retirer des licences comme ce fût le cas lors du gouvernement précédent ». Il a confirmé à Reporters sans frontières que le projet de loi sur l’audiovisuel allait être prochainement finalisé. « Nous allons présenter un texte cohérent pour garantir la liberté des radios et des télévisions. Et nous supprimerons le système des licences à point, mis en place précédemment », a précisé le ministre.
En novembre 2008, Reporters sans frontières avait écrit au président Mohamed Nasheed pour lui demander de faire des Maldives un « modèle pour la liberté de la presse en Asie ». L’organisation lui avait notamment demandé de décriminaliser les délits de presse.