L'hebdomadaire satirique "Le Lynx" et l'hebdomadaire "La Lance" constituent à eux deux le premier groupe de presse et le plus gros tirage du pays.
(RSF/IFEX) – Le groupe de presse Lynx-Lance et plusieurs de ses journalistes sont actuellement dans le collimateur des militaires, a appris Reporters sans frontières, le 23 novembre 2009, auprès d’une source au sein de la junte au pouvoir à Conakry. L’hebdomadaire satirique « Le Lynx » et l’hebdomadaire « La Lance », connus et reconnus pour leur indépendance et leur liberté de ton, constituent à eux deux le premier groupe de presse en Guinée et le plus gros tirage du pays.
« Nous prenons cette information et ces menaces très au sérieux. Alors qu’un climat de peur règne toujours au sein des médias guinéens, nous tiendrons la junte pour responsable de toute agression contre le groupe de presse Lynx-Lance et ses employés. Nous appelons le médiateur de la crise guinéenne, le président burkinabé Blaise Compaoré, à demander à la junte de respecter la liberté des médias et l’expression de la pluralité des opinions », a déclaré l’organisation.
Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, l’opération consisterait à organiser un raid nocturne sur la rédaction et à monter des « embuscades » contre certains de ses journalistes. Les militaires auraient décidé de « faire taire » le groupe Lynx-Lance, qu’il perçoit comme proche de l’opposition. L’attaque serait mise sur le compte d' »éléments incontrôlés ».
« Ces menaces ne doivent pas nous décourager. Nous continuerons de faire notre travail avec objectivité, comme d’habitude », a confié à Reporters sans frontières le directeur du groupe, Souleymane Diallo.
Dans une autre affaire, Reporters sans frontières déplore la convocation du rédacteur en chef du groupe L’Indépendant, Talibé Barry. Celui-ci a dû se présenter, le 11 novembre, à l’état-major de la gendarmerie nationale. Le journaliste est inquiété pour la publication d’un article sur la disparition d’un militaire.
De l’avis de la profession, la récente nomination de Cheikh Fantamady Condé au poste de ministre de l’Information et de la Culture marque un retour en arrière pour la liberté de la presse. Partisan du monolithisme dans les médias, ce ministre exerce un contrôle fort sur les organes publics, la Radio Télévision Guinéenne (RTG), et veille au maintien d’une atonie sur les questions politiques.
Depuis les événements du 28 septembre, de nombreux journalistes guinéens vivent dans la peur. Des informations crédibles et concordantes font état d’une « liste noire » établie par des militaires au service de l’opération dite « Dadis ou la mort ».
Immédiatement après le massacre du stade de Conakry, la junte a organisé la chasse aux « journalistes apatrides », accusés de « vendre la Guinée » à la communauté internationale. Plusieurs correspondants de la presse étrangère, et de la presse en ligne notamment, ont dû fuir le pays pour échapper aux menaces de mort. Certains, dont Reporters sans frontières souhaite préserver l’anonymat, ont été contraints de demander l’asile à l’étranger.