Depuis le jour de son procès, personne n'a pu voir Ben Brik et personne n'a de ses nouvelles ni du lieu de sa détention, ce qui constitue un sérieux motif d'inquiétude.
(OLPEC/IFEX) – Tunis le 26 novembre 2009 – Le journaliste et écrivain Taoufik Ben Brik vient d’être condamné ce jour 26 novembre à six mois de prison ferme par la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Tunis pour « agression », « détérioration des biens d’autrui » et « atteinte aux bonnes moeurs » à l’issue d’un procès inéquitable.
Contrairement aux usages et en violation du code de procédure pénale, Taoufik Ben Brik n’a pas été présenté au tribunal et le juge a prononcé la sentence en son absence. La veille, la femme de Taoufik Ben Brik, Azza ainsi que sa soeur Saida et ses deux frères Jalal et Fethi, n’ont pas pu le rencontrer lors de la visite hebdomadaire, l’administration avait prétendu qu’il « ne souhaite pas les voir ! » ; trois de ses avocats qui ont tenté de lui rendre visite le jour du verdict en ont été privés et la direction de la prison de Mornaguia où il était incarcéré a prétendu qu’il ne s’y trouvait plus sans donner d’indication sur le lieu où il est actuellement ; tandis que maitre Abbou a été retenu arbitrairement par la gendarmerie sur l’autoroute afin de l’empêcher d’arriver jusqu’à la prison. Depuis le jour de son procès, personne n’a pu voir Taoufik Ben Brik et personne n’a de ses nouvelles ni du lieu de sa détention, ce qui constitue un sérieux motif d’inquiétude pour son intégrité physique et pour sa vie. Sachant que Taoufik Ben Brik souffre d’une maladie grave (syndrome de Cushing) qui exige un suivi médical permanent.
Background
Rappelons que son procès s’était ouvert le 19 novembre dans un climat d’état d’urgence qui ne dit pas son nom. Le palais de justice était quadrillé par un considérable dispositif sécuritaire qui bloquait tous les accès au tribunal et le comportement hystérique de la police politique était révélateur du caractère hautement politique de ce procès que les autorités prétendent de « droit commun ».
Expulsion des avocats maghrébins
Maître Mohamed Idrissi Hassani, du barreau de Casablanca qui avait été mandaté par le Groupe de travail sur la liberté d’expression en Afrique du Nord (WGFENA), a été refoulé à son arrivée à l’aéroport de Tunis Carthage le 18 dans la matinée ; Il en a été de même pour maître Hocine Zahouane du barreau d’Alger qui avait été refoulé l’après midi du même jour sans aucune justification. Des avocats tunisiens constitués n’ont pas pu arriver au Palais de justice : maitre Houcine Bardi, représentant le CRLDHT, a été bloqué par des policiers au centre ville et maitre Abdelwahab Maatar a été obligé de rebrousser chemin sur l’autoroute d’Ennfidha.
Déni de publicité de l’audience
La famille de Taoufik, hormis sa femme, son frère Jalel Zoghlami et sa sœur Saida, a été refoulée du palais de justice. Des observateurs et des journalistes (dont une équipe de télévision de France 3) ont été refoulés aux abords du tribunal. Omar Mestiri et Sihem Bensedrine ont été assignés à résidence par une vingtaine de policiers qui se sont déployés devant leur domicile, empêchant les visiteurs de les rencontrer.
Contexte de terreur générale
La veille du procès, ses amis qui souhaitaient faire une veillée auprès de Azza Zarrad, la femme de Taoufik Ben Brik, se sont vus refuser l’accès de son domicile. Des dizaines de policiers ont violemment repoussé Radia Nasraoui, Khadija Cherif et plusieurs amis de Taoufik, ne laissant pénétrer qu’une délégation d’observateurs français composée notamment d’Hélène Flautre (Vice présidente de la Délégation pour les relations avec les pays du Maghreb au Parlement européen ; Jean- François Julliard (secrétaire général de Reporters sans frontières) et William Bourdon (avocat au barreau de Paris et président de Sherpa). En rentrant chez elles, Khedija Cherif et Sihem Bensedrine ont été prises en filature par deux voitures et un motard qui ont cherché à les terroriser en les braquant à deux reprises, tentant de les agresser et les empêcher de rejoindre leurs domiciles.
Fait surprenant, le matin du 19, les journalistes des trois hebdomadaires Attariq al Jadid, El maoukek et Mouwatinoun n’ont pas pu avoir accès à leurs rédactions par un barrage policier inaccoutumé.
Déni des droits de la défense
Ce fut un procès bâclé, sans plaidoiries où le président de la cour, Fawzi Jebali, avait multiplié les violations des droits de la défense et privé l’accusé du droit de s’exprimer librement et d’expliquer à la cour les faits prouvant que cette affaire n’était qu’un vulgaire montage policier. Il a rejeté toutes les demandes préalables formulées par les avocats (demande de renvoi de l’affaire pour prendre connaissance du dossier et surtout les faux aveux et la fausse signature de Taoufik Ben Brik figurant sur le PV de police déclarant à la cour qu’il n’a pas signé le procès verbal de son interrogatoire parce que le chef du poste de police avait refusé de consigner toutes ses affirmations et notamment le caractère politique de cette affaire.) ; le président avait dénié au bâtonnier le droit d’organiser l’ordre des plaidoiries de la soixantaine d’avocats qui s’étaient constitués pour Taoufik Ben Brik et avait finalement levé brutalement l’audience.
Le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et l’observatoire de la liberté de la presse, d’édition et de création (OLPEC):
– condamnent vigoureusement cette sentence qui s’apparente davantage à une vengeance politique qu’à un procès équitable ;
– exigent la libération immédiate et sans condition de Taoufik Ben Brik et l’arrêt de toutes les poursuites contre lui ;
– tiennent le président Ben Ali personnellement pour responsable de toute atteinte à son intégrité physique ou morale et de toute menace qui pourrait mettre en danger sa vie.