JED demande aux services de sécurité de faire preuve de modération et de ne pas en rajouter à un climat de la liberté de la presse déjà tendu.
(JED/IFEX) – Kinshasa, le 14 avril 2010 – Journaliste en danger (JED) est très préoccupée par la cascade d’interpellations des journalistes et le harcèlement dont fait l’objet certains médias à Kinshasa et dans certaines provinces du pays. JED demande aux services de sécurité et aux autorités judiciaires de faire preuve de modération, et de ne pas en rajouter à un climat de la liberté de la presse déjà tendu suite à l’assassinat, il y a 10 jours, d’un reporter cameraman à Béni, dans la province du Nord-Kivu.
En effet, JED note qu’en l’espace d’une semaine au moins deux journalistes ont été arrêtés et mis au cachot à Kinshasa et à Boma (Province du Bas-Congo) ; quatre autres ont été interpellés et longuement interrogés par l’ANR (Agence Nationale de Renseignements) à Kinshasa et, une chaine de radio-télévision encerclée par des policiers et son signal d’émission interrompu.
Il s’agit de :
1. Jullson Eninga, Directeur de publication du quotidien « Le Journal » : Il a été arrêté, mardi 13 avril 2010, et mis au cachot du Parquet de Grande Instance de Kinshasa Gombe. Eninga s’était rendu au parquet, mardi 13 avril 2010, répondre à l’invitation de l’avocat général relative au communiqué des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) publié par « Le Journal » en septembre 2009. Il a confirmé la publication, sans commentaire, par son journal dudit communiqué tiré sur le net. C’est après une longue audition sur procès verbal de près de quatre heures qu’il a été conduit dans le cachot du parquet de grande instance de Kinshasa/Gombe. « Le Journal » est accusé d’avoir fait la « propagande » des rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) opérant à l’est de la RDC.
2. Popol Ntula Vita, éditeur de l’hebdomadaire « Le Tonnerre » paraissant à Boma : Il a été arrêté au parquet de grande instance de Boma et conduit à la prison centrale de Boma depuis mardi 13 avril sur plainte du Maire de cette ville, Madame Marie Josée Niongo Nsuami. Il est reproché à Popol Ntula d’avoir publié dans son édition n°15 du 13 mars 2010, un article intitulé : « Boma : Le maire Marie José Niongo Nsuami sur les traces de son prédécesseur : l’opinion s’interroge », dans lequel il a appelé l’assemblée provinciale de diligenter une enquête parlementaire à travers les entités politico administratives et autres services publics de Boma, notamment à la mairie de Boma. A l’arrivée au parquet de grande instance de Boma, mardi 13 avril 2010, Ntula a été immédiatement mis en garde à vue durant deux heures sans être entendu, puis mis sous mandat d’arrêt provisoire à la prison centrale de Boma en début d’après-midi.
3. La Radio Télé Kintuadi (RTK), une chaîne confessionnelle appartenant à l’église Kimbanguiste, s’est vue être envahie par une dizaine de policiers, mercredi 14 avril 2010 à 4 heures du matin, et son signal coupé. Trois techniciens, Pitchou Wanketama, Papy Dinganga et Christophe Nseka ont été arrêtés et conduits vers une destination inconnue. Toutes les entrées et sorties ont été interdites aux journalistes par les policiers qui ont encerclé le siège de la RTK à Binza/Pigeon. Aucun motif officiel de cette attaque n’a été communiqué mais un journaliste de cette chaîne a dit à JED que cette situation serait dû à un conflit opposant les deux ailes de l’Eglise Kimbanguiste.
4. Alain Kiuka, Jean Louis Miasuekama, Jean Dénis Bakonga et Dieumerci Nzob journalistes à Antenne A, une station privée émettant à Kinshasa ont été interpellés à l’Agence National des Renseignements (ANR) où ils ont été longuement entendus entre samedi 10 et mardi 13 avril 2010. L’ANR reproche à Antenne A d’avoir diffusé dans son journal télévisé du samedi soir un commentaire faisant état de la mise sur pied d’une commission ad hoc chargée de discuter et faire la paix avec des insurgés Enyelé qui ont attaqué la ville de Mbandaka (Chef-lieu de la province de l’Equateur), le 4 avril 2010.
JED constate que cette dégradation brusque de la situation de la liberté de la presse intervient quelques jours seulement après la déclaration du Conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité affirmant l’engagement du Président de la République en faveur de la liberté de la presse et pour la protection des journalistes, après le meurtre de Patient Chebeya, reporter-cameraman de Béni.