"Dans quel pays nomme-t-on un pyromane pour éteindre les incendies?", s'interroge RSF.
(RSF/IFEX) – « Dans quel pays nomme-t-on un pyromane pour éteindre les incendies? », s’est interrogée Reporters sans frontières après la nomination de Mervyn Silva au poste de ministre adjoint en charge des Médias et de l’Information. Le Parlement l’a confirmé à ce poste le 23 avril 2010.
« Le gouvernement du Sri Lanka se distingue une nouvelle fois en comptant dans ses rangs, et à des postes clés, des personnalités très controversées et impliquées dans des attaques contre la liberté de la presse. La victoire du parti présidentiel lors des dernières élections législatives est entachée par ce type de nominations qui jette de sérieux doutes sur la volonté des autorités à mener la réconciliation et la reconstruction. Nous demandons au Premier ministre D. M. Jayaratne la démission de Mervyn Silva de son poste ministériel », a affirmé Reporters sans frontières.
Cette nomination intervient dans un climat hostile à la liberté de la presse. Ainsi, le ministère de la Défense, dirigé par le frère du chef de l’État, a exercé des pressions très fortes sur les chaînes de télévision et les sites Internet pour qu’ils ne diffusent pas en direct le discours de Sarath Fonseka lors de l’inauguration du nouveau Parlement, le 22 avril. Aucune chaîne de télévision n’a retransmis le discours de l’ancien général, aujourd’hui opposant emprisonné, qui avait été autorisé à se rendre à l’Assemblée, après avoir été député. Et plusieurs journaux qui ont couvert le discours sur leur site Internet ont décidé de ne pas publier de photos de Sarath Fonseka, dans leur version papier. « Quand de telles pressions viennent du ministère de la Défense, nous n’avons pas d’autre choix que de ne pas publier, sinon on risque la fermeture », a témoigné de manière anonyme un journaliste de Colombo à Reporters sans frontières.
Lors de la campagne pour les élections législatives du 8 avril, plusieurs journalistes sri lankais ont été contraints de fuir le pays, en raison de menaces. Une équipe du quotidien « Daily Mirror » a été suivie et menacée le 21 avril par un journaliste local, répondant aux ordres de la police de Kandy (Centre). Les journalistes s’étaient rendus sur place pour couvrir l’organisation d’un second scrutin pour les élections législatives.
Le 4 avril, un candidat du parti au pouvoir a menacé de représailles Wasantha Chadrapala, correspondant de plusieurs médias dans le district d’Ampara (Est), pour sa couverture de la campagne électorale. Le soir même, son domicile a été attaqué par des inconnus.
Par ailleurs, on est toujours sans nouvelles du caricaturiste et journaliste Prageeth Eknaligoda.
Le journaliste d’opposition Ruwan Weerakoon est toujours détenu, malgré son état de santé précaire.
Enfin, le gouvernement a ordonné à tous les journalistes, directeurs de publication et patrons de presse du pays d’adresser avant le 30 avril une déclaration de leurs biens.
RAPPEL DES FAITS:
Partisan du président Mahinda Rajapksa, Mervyn Silva est surtout connu pour avoir dirigé plusieurs coups de force contre des médias et tenu des propos virulents contre les journalistes indépendants. Ainsi, en décembre 2007, le ministre avait mené un assaut contre la rédaction de la chaîne de télévision d’État SLRC. Il avait été violemment expulsé du bâtiment. Dans les semaines qui ont suivi, pas moins de cinq employés de la chaîne ont été agressés, certains souffrant de blessures graves causées à l’arme blanche, vraisemblablement pour les punir d’avoir humilié Mervyn Silva.
En 2007 également, Mervyn Silva et ses hommes avaient agressé des journalistes, dont un correspondant de la BBC, lors d’un meeting pacifiste près de Colombo.
En mars 2008, des partisans du ministre ont menacé une équipe de télévision de Sirasa TV, venue couvrir la construction d’un pont à Kelaniya, près de Colombo. « Cette fois-ci je lève le doigt, mais la prochaine fois je lèverai la main si vous revenez », a vociféré le ministre aux journalistes. Le mois suivant, des hommes de main de Mervyn Silva, alors ministre du Travail, ont menacé des photographes des quotidiens « Daily Mirror » et « Daily Lankadeepa » qui couvraient une inauguration.