Le journaliste Jean-Claude Kavumbagu est inculpé pour trahison à la suite d'un article critiquant les forces de sécurité du pays.
(CPJ/IFEX) – New York, le 19 juillet 2010 – L’arrestation samedi dernier par les autorités burundaises du journaliste Jean-Claude Kavumbagu, inculpé pour trahison à la suite d’un article critiquant les forces de sécurité du pays est alarmante, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). M. Kavumbagu est actuellement détenu à la prison de Mpimba sise à Bujumbura, la capitale burundaise.
M. Kavumbagu, directeur de publication du quotidien privé en ligne Net Press, pourrait écoper d’une peine de prison à perpétuité s’il est condamné pour trahison, a dit au CPJ l’avocat de la défense Gabriel Sinarinzi. Les accusations son liées à un article publié le 12 juillet courant par ledit quotidien et portant sur les attentats terroristes meurtriers du 11 juillet dans l’Ouganda voisin.
Le groupe d’insurgés somaliens Al-Shabaab a revendiqué les explosions et menacé que de nouveaux attentats seraient perpétrés contre l’Ouganda et le Burundi si ces États ne retirent pas leurs forces de maintien de la paix déployées en Somalie, selon des médias. L’article de Net Press a mis en doute la capacité des forces de sécurité burundaises à empêcher d’éventuels attentats dans le pays et indiqué qu’elles brillent plus par leur capacité à « piller et à tuer leurs compatriotes », selon des recherches du CPJ.
Selon Me Sinarinzi, l’inculpation de trahison contre M. Kavumbagu, un délit de temps de guerre, ne s’applique pas au cas d’espèce qui relèverait plutôt de la loi sur la presse du Burundi. La défense a demandé la libération sous caution du journaliste en attendant le procès, a-t-il ajouté. La détention de M. Kavumbagu violerait d’ailleurs le code de procédure pénale burundais, qui autorise la détention préventive de suspects dans des conditions restreintes qui ne s’appliqueraient pas au cas du journaliste, a déclaré l’avocat.
« L’accusation de trahison contre Jean Claude Kavumbagu est une forme d’intimidation extrême », a déclaré Tom Rhodes, consultant du CPJ pour l’Afrique de l’Est. « Les autorités burundaises devraient traiter cette affaire en suivant la loi sur la presse du Burundi et libérer sous caution M. Kavumbague en attendant son procès », a-t-il ajouté.
Le colonel David Nikiza, commissaire général de la police pour la région ouest du Burundi, a procédé à l’arrestation de M. Kavumbagu à son bureau samedi dernier et l’a amené au bureau du magistrat Tabu Renovat, où il a été interrogé pendant deux heures, avant d’être déféré à la prison de Mpimba, a dit au CPJ le frère du journaliste, Jean-Marie Vianney Kavumbagu. Le même jour, 15 stations de radio sise à Bujumbura ont diffusé en simultané un appel à la libération du journaliste, a-t-il dit.
M. Kavumbagu fait déjà face à des poursuites en diffamation en appel suivant le non-lieu prononcé en sa faveur en mars 2009 à la suite d’un article accusant le président burundais, Pierre Nkurunziza, de dépenses exorbitantes lors de son voyage en Chine pour les Jeux olympiques d’été de 2008, selon Sinarinzi.
La tension est montée au Burundi le mois dernier lors des élections présidentielles marquées par le boycott de tous les candidats de l’opposition par crainte de fraude, a indiqué l’agence américaine Associated Press. L’actuel président était ainsi le seul candidat en lice. Il convient aussi de rappeler qu’en mai dernier, les autorités burundaises ont expulsé Neela Ghoshal, chercheuse de Human Rights Watch, après la publication d’un rapport ayant documenté la violence pré-électorale.