RSF enquête sur les obstructions à l'information par BP dans la catastrophe de la marée noire.
(RSF/IFEX) – Depuis le 20 avril 2010, date de l’explosion de la plateforme pétrolière « Deep Water Horizon » au large des côtes américaines de Louisiane, entre 2,9 et 4,9 millions de barils de pétrole se sont déversés dans le golfe du Mexique. Il s’agit d’une catastrophe environnementale majeure, rapidement devenue catastrophe nationale.
Pourtant, il est bien souvent impossible pour la presse d’obtenir des informations vérifiables et indépendantes de celles de l’entreprise pétrolière BP. Il aura fallu attendre le 12 juillet 2010 pour que les restrictions de la compagnie pétrolière imposées aux journalistes qui couvrent la marée noire soient levées. Et encore . . .
L’information : un bien rare
Les journalistes interrogés par Reporters sans frontières sont en général choqués par le manque d’accès à l’information.
Le 9 juin, trois semaines après le début de la marée noire, l’administration fédérale de l’aviation a imposé des restrictions concernant les consignes de vol. Il a été décrété que les médias ne pouvaient pas voler à une distance inférieure à 3000 pieds de hauteur (914,4 mètres) « pour raisons de sécurité » ( http://tfr.faa.gov/save_pages/detail_0_5100.html#areas ).
Dans une lettre adressée à la Maison Blanche, le 10 juin 2010, l’agence de presse américaine Associated Press (AP), basée a New-York, manifeste son mécontentement : « Nous ne sommes pas du tout d’accord avec la consigne selon laquelle les journalistes ne peuvent pas voler en dessous de 3000 pieds ( . . . ). Les médias ont couvert la marée noire entre 500 et 1000 pieds sans incident avant que cette mesure ne soit imposée ( . . . ) ».
Pour Ted Jackson, photographe depuis 26 ans au « Times-Picayune » de la Nouvelle Orléans : « Cela a changé depuis et à l’heure actuelle, nous pouvons voler plus bas. Mais alors que je prenais des photos quand ces restrictions on été décidées, j’ai demandé à pouvoir voler en dessous de 3000 pieds. Parce que j’ai dit que j’étais photographe de presse, j’en ai été interdit. Et c’est un consultant engagé par BP qui me l’a interdit. Pas quelqu’un de l’administration ! »
Le 20 mai 2010, des journalistes de CBS News ont été menacés d’arrestation alors qu’ils voulaient se rendre sur des plages souillées pour faire un reportage sur les dégâts environnementaux. Entre le 6 et le 13 juin, au moins quatre incidents de ce genre sur ses journalistes ont été recensés par Associated Press.
Le 30 juin 2010, la Louisiane a passé la consigne selon laquelle toute personne qui s’approchait à plus de 65 pieds (environ 20 mètres) du lieu de l’explosion pouvait être poursuivie pour « félonie » et risquer une amende. La Floride l’a suivie le 3 juillet 2010. L’accusation de félonie prévoit 1 à 5 ans d’emprisonnement et $40 000 d’amende.
Ces restrictions multiples ont été largement rapportées par les journalistes et sur Internet. Dès le 5 juin, suite aux récits de Tamara Lush, correspondante d’AP à la Nouvelle-Orléans, Tom Curley, le président de l’agence avait envoyé un courrier à Robert Gibbs, attaché de presse de la Maison Blanche, afin de lui demander d’améliorer l’accès à l’information. Robert Gibbs a répondu que « si les journalistes avaient des réclamations, ils pouvaient appeler un centre d’informations dirigé par le gouvernement fédéral et BP à Houma (au sud-est de la Nouvelle-Orléans).
Or, si on appelle ce centre, il s’avère en réalité que son rôle n’est pas de répondre aux plaintes des médias, mais de gérer les opérations de nettoyage. Il s’agit en effet de garde-côtes. Toutefois, selon l’un des employés de ce centre, « nous n’avons pas reçu de plaintes de journalistes durant les 20 derniers jours. Si jamais un journaliste a un problème particulier, il peut effectivement nous téléphoner ou nous envoyer une lettre. Mais je travaille pour les garde-côtes, donc il ne peut pas me demander autre chose que de résoudre un problème avec eux ».
Toutefois, la confusion des genres est monnaie courante et il est même difficile pour les journalistes de savoir à qui ils s’adressent. L’un des conseils que donne la journaliste Mac McClelland du magazine « MotherJones », qui travaille sur le terrain depuis le début de la catastrophe, est : « Si jamais vous avez des problèmes avec un officier de police, vous devez lui demander s’ils sont réellement officiers de police ou payés par BP pour faire la sécurité. Certains policiers de Louisiane gardent leur uniforme alors qu’ils sont payés en extra par BP ».
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