(RSF/IFEX) – Début septembre 2001, le journaliste Nizar Nayyouf, actuellement en France, a été convoqué par un juge d’instruction syrien pour « publication d’informations mensongères à l’étranger ». « La convocation de Nizar Nayyouf s’inscrit dans le cadre des arrestations, par les autorités syriennes, de grandes figures politiques et de la société civile comme Riad Turk, Maamoun el-Homsi, […]
(RSF/IFEX) – Début septembre 2001, le journaliste Nizar Nayyouf, actuellement en France, a été convoqué par un juge d’instruction syrien pour « publication d’informations mensongères à l’étranger ». « La convocation de Nizar Nayyouf s’inscrit dans le cadre des arrestations, par les autorités syriennes, de grandes figures politiques et de la société civile comme Riad Turk, Maamoun el-Homsi, Riad Seif ou Aref Dalila. On craint que cette convocation ne soit rapidement suivie d’une incarcération », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. « Ce qui se passe aujourd’hui en Syrie est extrêmement préoccupant. Les autorités ont désormais la ferme intention de museler toutes les voix qui réclament davantage de réformes et de libertés, que ce soit depuis l’intérieur du pays ou depuis l’étranger », a-t-il ajouté. Plusieurs correspondants de médias étrangers à Damas font, en effet, l’objet, depuis un mois, de menaces ou d’intimidations de la part du pouvoir. RSF a rappelé qu’un journaliste, ‘Adel Isma’il, est emprisonné en Syrie depuis 1996. Le président syrien, Bachar el-Assad, est considéré, par l’organisation, comme l’un des trente prédateurs de la liberté de la presse dans le monde.
Le 3 septembre, Nayyouf, hospitalisé en France, a été convoqué par un juge d’instruction syrien. Le journaliste est accusé de « tentative de modification de la Constitution de manière illégale et de publication d’informations mensongères à l’étranger ». Lors d’une conférence de presse tenue le 16 juillet au siège de RSF, le journaliste avait notamment annoncé son intention d’entreprendre, dès son retour en Syrie, une action visant à poursuivre les responsables du régime coupables de crimes commis en Syrie. Également accusé « d’incitation au confessionnalisme », il est passible, selon son avocat Anouar Bounni, de cinq ans de prison. Selon la loi syrienne, le juge d’instruction peut lancer un mandat d’arrêt contre le journaliste si celui-ci ne se présente pas au-delà de deux notifications.
Par ailleurs, plusieurs correspondants de la presse étrangère en poste à Damas font régulièrement l’objet d’intimidations de la part des autorités syriennes. Ces pressions s’exercent plus fortement depuis les récentes arrestations de grandes figures politiques et de la société civile. Ce fut notamment le cas au moment de l’arrestation de el-Homsi. Il a, en effet, été signifié à certains de ces journalistes de ne pas répercuter cette information. Accusé de vouloir « stopper les réformes de modernisation » et de « dénigrer l’État », le député indépendant el-Homsi avait été incarcéré le 9 août. Seif, également député indépendant, avait été arrêté, le 6 septembre, pour les mêmes raisons.
Rédacteur en chef du mensuel « Sawt el Demokratia », collaborateur des magazines « Al-Huriyya » et « Al-Ma’arifa », et membre des CDF (organisation de défense des droits de l’homme interdite par le régime), Nayyouf avait été arrêté en 1992. Il avait été condamné à dix ans de prison et à la privation de ses droits civiques pour avoir rédigé un tract des CDF sur les irrégularités et les atteintes aux droits de l’homme survenues durant les élections de 1991. Libéré dans la nuit du 6 au 7 mai, le journaliste avait accordé de nombreuses interviews à la presse arabe, non sans évoquer la situation des droits de l’homme en Syrie. Il avait été arrêté une nouvelle fois en juin, à Damas, par les services de sécurité, et retenu pendant vingt-quatre heures.
Le journaliste est arrivé en France le 15 juillet pour se faire hospitaliser à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Durant ses neuf ans de détention, Nayyouf a subi de nombreuses tortures mais n’a jamais pu bénéficier de traitements médicaux adéquats. Handicapé des membres inférieurs suite à des fractures de vertèbres provoquées par la torture dite de la « chaise allemande », il est aujourd’hui contraint de se déplacer à l’aide de béquilles.
Nayyouf est, en outre, poursuivi pour « diffamation » devant la justice française par Rifaat el-Assad, l’oncle en exil du président el-Assad. Le journaliste avait déclaré, les 14 et 15 juillet, sur Al Jazira, une chaîne de télévision arabe basée à Londres, que Rifaat el-Assad était impliqué dans des massacres de prisonniers à la prison militaire de Tadmor (est du pays), en 1980.