Le journaliste Zouhayr Makhlouf a été passé à tabac par des agents de la police politique devant son domicile sous les yeux de sa jeune fille et de sa femme.
(OLPEC/IFEX) – Depuis le déclenchement des émeutes populaires à Sidi Bouzid (260 km Sud Est) le 17 décembre 2010, qui ont fait suite à l’immolation par le feu d’un jeune diplômé chômeur, d’importantes forces de police ont bouclé la ville interdisant tout accès. La majorité des journalistes qui ont essayé de se déplacer pour couvrir les événements ont fait face à une violence policière.
L’après-midi du17 décembre, Zouhayr Makhlouf, correspondant de http://www.assabilonline.net a été passé à tabac par des agents de la police politique devant son domicile parce qu’il a refusé d’obtempérer à l’interdiction de sortir et rejoindre la ville de Sidi Bouzid. La scène s’est déroulée sous les yeux de sa jeune fille et de sa femme. Zouhayr Makhlouf souffre de nombreuses contusions et hématomes sur son visage et son corps.
Depuis le 19 décembre, de nombreux journalistes indépendants ont été placés sous une surveillance policière collante avec interdiction de quitter leur ville de résidence. Ismail Dbara, correspondant de http://www.elaph.com , a été victime d’une mesure similaire et les policiers en civil ont utilisé un langage ordurier pour lui signifier cette interdiction. Nizar Ben Hassen, correspondant de radio Kalima, a été pris en chasse par trois voitures de police banalisées stationnées aux accès de son domicile à La Chebba et lui ont clairement dit qu’il était hors de question de se rendre à Sidi Bouzid en vue de couvrir les émeutes.
Le 20 décembre, Moez El Bey, correspondant de Radio Kalima à Sfax, lui aussi sous surveillance policière, est allé interviewer un blessé de Sidi Bouzid, admis en urgence à l’hôpital de Sfax pour des soins aux yeux ; il a été cueilli à sa sortie, emmené au poste de police de l’hôpital où il a subi une fouille corporelle humiliante ; les policiers ont pris son appareil d’enregistrement et lui ont restitué après avoir effacé tous les enregistrements ; ils ont également pris son appareil photo dont ils ont retiré la carte mémoire qu’ils ont gardée et l’ont menacé de représailles s’il s’entête à couvrir les événements relatifs à Sidi Bouzid.
Au moment où les journalistes indépendants sont interdits de faire leur travail, les médias officiels sont sortis de leur mutisme concernant les émeutes de Sidi Bouzid pour les qualifier de « rumeurs infondées » citant une source officielle qui s’indigne « des tentatives de certaines parties d’instrumentaliser cet incident isolé, de le dévier de son véritable contexte et de l’exploiter à des desseins politiques malsains, en en faisant, dans un objectif de manipulation et de provocation, une affaire de droits de l’Homme et de libertés, et en mettant en doute les acquis de développement de la région ».
L’OLPEC :
• dénonce les violences exercées contre les journalistes qui n’ont fait qu’exercer leur métier.
• estime que l’attitude de déni de la réalité dans laquelle s’enferme le pouvoir n’est pas une politique intelligente et que la persécution des journalistes qui veulent faire la lumière sur ces événements et informer l’opinion publique de manière honnête, est le meilleur démenti aux allégations des autorités officielles qui cherchent ainsi à cacher aux Tunisiens la réalité en utilisant les procédés de désinformation.
• considère que ces actes constituent une violation des engagements de l’État tunisien en matière de liberté d’expression et notamment l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui énonce : « Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».