La communauté internationale doit inciter les autorités à plus de tolérance, et soutenir les médias qui tentent de repousser les limites de la censure, a déclaré RSF.
(RSF/IFEX) – Le 22 décembre 2010 – Ces dernières semaines, les journalistes birmans, basés à l’intérieur et à l’extérieur du pays, ont couvert, dans des conditions difficiles, deux événements majeurs pour l’avenir de leur pays : les élections générales du 7 novembre 2010 et la libération d’Aung San Suu Kyi le 13 novembre. Les autorités militaires ont envoyé des signaux contradictoires sur leurs intentions vis-à-vis de la liberté de la presse. Certes, le scrutin très peu démocratique a été marqué par la censure, des arrestations et des entraves, mais les journaux birmans ont pu donner la parole aux différents candidats en campagne. Les médias privés birmans et les correspondants étrangers ont été dans un premier temps autorisés à parler de la libération d’Aung San Suu Kyi. Jusqu’à ce qu’une dizaine de publications soient sanctionnées par le Bureau de la censure, et la surveillance des reporters étrangers renforcée.
Aujourd’hui, la junte militaire et les élus du nouveau Parlement ont le choix entre poursuivre une politique répressive ou engager un processus d’ouverture favorable aux libertés fondamentales. Les autorités birmanes doivent saisir l’occasion de répondre aux différents appels de ces États voisins et du secrétaire général de l’ASEAN en faveur d’une plus grande liberté d’expression.
La communauté internationale doit inciter les autorités à plus de tolérance, et soutenir les médias qui, à l’intérieur comme à l’extérieur, tentent de repousser les limites de la censure.
Reporters sans frontières, avec l’aide de son organisation partenaire Burma Media Association, a suivi le travail de la presse birmane et celui des reporters étrangers lors de ce mois de novembre historique. Un représentant de l’organisation s’est rendu sur place avant les élections pour évaluer la situation. Malgré la censure, la surveillance et les entraves, les médias birmans ont réussi à offrir à leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs une variété d’informations et d’analyses sans précédent depuis les élections de 1990. L’organisation a également voulu en savoir plus sur l’impact en Birmanie des médias dits exilés, notamment la Democratic Voice of Burma. Un sondage et une enquête, récemment menés dans le pays, confirment la très grande popularité des radios et des chaînes de télévision qui informent en birman depuis l’étranger. Plus de 2950 personnes de huit provinces différentes ont été interrogées sur leurs habitudes en matière d’information.
Les principaux enseignements de ce sondage sont encourageants. Ils démontrent qu’il est important que la communauté internationale continue à soutenir les médias birmans basés à l’étranger.
1. Les Birmans, gros consommateurs de médias
Le sondage confirme avec force que les Birmans, notamment en zones urbaines, sont de gros consommateurs de médias. Le pourcentage d’interviewés qui lisent la presse écrite (36%) est élevé pour un pays en développement. De même, les médias officiels, notamment audiovisuels, et malgré leur piètre qualité, sont bien suivis. Ainsi, la chaîne la plus officielle MRTV est suivie ‘chaque jour’ ou ‘souvent’ par une majorité des sondés. Sur les 2 950 interviewés, 2 188 regardent donc fréquemment la télévision d’État. Ses résultats se retrouvent pour Myawaddy TV et MRTV 4, respectivement la chaîne de l’armée et celle dédiée à un public international.
2. Les radios internationales, sources incontournables d’informations
66,5% des personnes interrogées écoutent ‘chaque jour’ ou ‘souvent’ une radio internationale, ce qui confirme que la BBC, VOA, RFA et DVB jouent un rôle fondamental dans l’accès de la population birmane à l’information. Certes, Internet fournit aujourd’hui une nouvelle fenêtre vers l’étranger et un nouvel espace d’expression, notamment avec l’explosion de la jeune blogosphère birmane. La radio reste néanmoins fortement enracinée et très populaire.
3. La télévision satellitaire s’impose dans le paysage médiatique
66% des sondés (sur l’échantillon de 2 950 personnes) est le pourcentage de sondés qui regardent DVB TV ‘chaque jour’ ou ‘souvent’, ce qui traduit la bonne pénétration de la chaîne. Seuls 351 ne l’ont jamais regardée, et 528 (20,2%) ne la regardent que rarement. De fait, la DVB TV est pratiquement aussi regardée que les chaînes hertziennes nationales financées par l’État. Le satellite s’est imposé comme un vecteur stratégique et incontournable d’informations. Même si la vente de paraboles est officiellement interdite, les vendeurs clandestins sont nombreux, et les autorités semblent fermer les yeux. Il est maintenant clair que la chaîne DVB TV s’est imposée comme un média leader. Son contenu et son style sont appréciés. La chaîne est implantée dans tout le pays. Par ailleurs, les médias internationaux plébiscitent le professionnalisme de la DVB et reposent sur son réseau pour couvrir la situation en Birmanie.
Le renforcement des capacités des médias birmans basés à l’étranger, comme la DVB TV qui a réussi à diffuser des programmes électoraux en direct, est concomitant de celui des médias en Birmanie. Plusieurs groupes de presse privés renforcent leurs activités, notamment sur Internet, améliorent la forme et le fond de leurs publications, et repoussent les limites de la censure. Ainsi les groupes Myanmar Times ou Eleven Media Group ont débloqué de nouveaux moyens pour la couverture des élections.
Reporters sans frontières et la Burma Media Association demandent aux autorités birmanes :
1. La fin du système de sanctions, notamment défini par le code en dix points qui encadre le travail des médias privés.
2. L’abolition du système de la censure préalable.
3. Une réforme en profondeur des lois qui régissent la liberté d’expression, notamment la Printers and Publishers Registration Law de 1962, The Emergency Provisions Act de 1950, l’article 505/B du code pénal, The Television and Video Law de 1996, The Computer Science Development Law de 1996, The Officials Secrets Act de 1923 ou encore The Burma Wireless Telgraphy Act de 1933.
4. Accorder des visas de presse aux journalistes étrangers qui en font la demande.
Reporters sans frontières et la Burma Media Association demandent à la communauté internationale :
1. Intervenir auprès des autorités birmanes pour obtenir la libération des journalistes et blogueurs emprisonnés
2. Plaider en faveur de la fin du système de censure préalable.
3. Renforcer le soutien aux médias birmans privés et ceux basés à l’étranger, principaux vecteurs de diffusion de l’information dans le pays.
4. Mettre en place des programmes de formation pour les journalistes birmans.