(RSF/IFEX) – Sihem Bensedrine, arrêtée à l’aéroport de Tunis à son retour de France le 26 juin 2001, a été placée sous mandat de dépôt, puis incarcérée à la prison des femmes de la Manouba (banlieue ouest de Tunis). On lui reproche d’avoir diffusé « de fausses nouvelles destinées à troubler l’ordre public » lors d’une intervention […]
(RSF/IFEX) – Sihem Bensedrine, arrêtée à l’aéroport de Tunis à son retour de France le 26 juin 2001, a été placée sous mandat de dépôt, puis incarcérée à la prison des femmes de la Manouba (banlieue ouest de Tunis). On lui reproche d’avoir diffusé « de fausses nouvelles destinées à troubler l’ordre public » lors d’une intervention sur la chaîne de télévision Al Mustaquilla (basée à Londres), le 17 juin. RSF demande aux autorités tunisiennes la libération immédiate de Bensedrine. « Nous demandons au président Ben Ali de saisir les autorités compétentes afin que toutes les poursuites contre elle soient abandonnées. Cet emprisonnement est tout simplement honteux. Non content de faire régner la censure et l’autocensure au sein des médias tunisiens (publics comme privés), le régime s’attaque sans scrupule à tous ceux qui osent s’exprimer dans des médias étrangers. C’est le signe d’un mépris total à l’égard de la liberté d’expression. Et si les émissions d’Al Mustaquilla rencontrent un tel succès en Tunisie, c’est bien la preuve que les médias tunisiens sont incapables d’apporter une information digne de ce nom. Tout le monde sait que la presse tunisienne est totalement asservie au pouvoir », a déclaré Robert Ménard, le secrétaire général de RSF.
Selon les informations recueillies par RSF, Bensedrine, directrice du magazine en ligne « Kalima », secrétaire générale de l’Observatoire pour la défense de la liberté de la presse, de l’édition et de la création (OLPEC, affiliée au réseau international de RSF) et porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), a été interpellée, le 26 juin, vers 10h00 (heure locale) à l’aéroport de Tunis alors qu’elle venait de Marseille. Elle était accompagnée par une représentante de l’association Avocats sans frontières et le chef du groupe socialiste à la mairie de Marseille. Alors que ses proches pensaient qu’elle avait été conduite devant le juge d’instruction, ils ont constaté, en se rendant au tribunal, que la journaliste ne s’y trouvait pas. Le procureur de la République et plusieurs juges d’instruction leur ont déclaré qu’il n’y avait « aucune action intentée contre elle », et qu’elle n’était pas détenue. Peu après, une source officielle, citée par l’Agence France-Presse, précisait qu' »une instruction judiciaire a … été ouverte contre elle. Une commission rogatoire a été adressée à cet effet à la police judiciaire pour mener les investigations nécessaires en vue de présenter l’intéressée devant le procureur de la République de Tunis ». Contactée par RSF le 26 juin, en fin d’après-midi, l’avocate Radhia Nasraoui a déclaré que le juge d’instruction avait ordonné l’arrestation de la journaliste. Celle-ci a été conduite à la prison des femmes de la Manouba (banlieue ouest de Tunis). Elle sera présentée devant le juge d’instruction le 5 juillet.
En juin, un mandat d’amener avait été délivré contre la journaliste. Ces poursuites sont intervenues quelques jours après le passage de Bensedrine sur la chaîne de télévision arabe Al Mustaquilla (basée à Londres), le 17 juin. Dans l’émission « Le Grand Maghreb », elle évoquait notamment le sujet de la corruption en Tunisie. Bensedrine est poursuivie pour « diffamation » et « atteinte à l’institution judiciaire ». Le 15 décembre 2000, la journaliste avait constaté que sa voiture avait été fouillée. Un couteau à cran d’arrêt avait été déposé en évidence sur la banquette arrière ainsi qu’une lettre sur laquelle était écrit « A la guerre comme à la guerre » (consulter l’alerte de l’IFEX du 18 décembre 2000).
Depuis plusieurs mois, Al Mustaquilla, et en particulier son directeur, Mohammed el Hachmi Hamdi, reçoit des menaces téléphoniques provenant de Tunisie. Cette chaîne de télévision invite régulièrement sur le plateau du « Grand Maghreb » des opposants tunisiens : Khemaïs Chamari, Khemaïs Ksilla, Mohammed Charfi, Mokhtar Trifi, Moncef Marzouki etc. « C’est vous la source des problèmes », « Nous sommes en état de guerre contre vous », lui a-t-on notamment dit. Pourtant, el Hachmi Hamdi a toujours pris soin d’inviter également des officiels tunisiens à cette émission. Mais tous ceux contactés ont, selon lui, décliné l’offre, précisant : « Nous ne débattons pas avec des gens que nous ne respectons pas ». Après le passage de Bensedrine au « Grand Maghreb », le 17 juin, les auteurs des menaces se sont une nouvelle fois manifestés. Ils ont demandé à el Hachmi Hamdi de s’excuser à la télévision. En cas de refus, ils menaçaient les locaux de la chaîne d’attentat. Ils ont, par ailleurs, ajouté qu’ils étaient prêts à dépenser beaucoup d’argent pour poursuivre la chaîne devant la justice britannique. Depuis un mois également, le directeur est victime d’une campagne de calomnie dans certains médias tunisiens, notamment l’hebdomadaire privé « Ech Chourouk ». Dernièrement, plusieurs membres de la famille de el Hachmi Hamdi ont été convoqués au commissariat de Sidi Bouzid (centre du pays). « Ma famille est aujourd’hui prise en otage », a déclaré le directeur de Al Mustaquilla à RSF.