Selon le ministre de la Communication, la radio est "passible de poursuites judiciaires pour complicité d'atteinte à la sureté de l'Etat (. . .) propagation de fausses nouvelles et incitation à la haine et à la révolte."
(RSF/IFEX) – Le 24 juillet 2012 – « Pour la sécurité de ses employés et du matériel, Free FM a décidé d’interrompre ses émissions (…) Nous assumons la responsabilité de cette décision », a déclaré dans un message sur Facebook, Lalatiana Rakotondrazafy, directrice de la station, dans la soirée du 22 juillet 2012. Cette mesure a été prise à la suite de la diffusion à l’antenne du message d’un militaire mutin annonçant la « dissolution des actuelles institutions de l’Etat ». Sa retransmission avait suscité le courroux des autorités de transition malgaches, dirigées par Andry Rajoelina.
« Nous déplorons que le règlement de compte politique qui se joue depuis plusieurs mois entre les autorités de transition et la radio Free FM entraîne l’interruption des émissions de la station, dernière voix de l’opposition. Nous convions les deux parties au dialogue, seule solution pour que la liberté de l’information ne pâtisse pas davantage de la crise politique qui dure depuis plus de trois ans », a déclaré Reporters sans frontières.
« Alors que les deux principaux protagonistes de la crise malgache, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, doivent se rencontrer cette semaine, il est crucial que Free FM puisse émettre à nouveau en toute sécurité, et avec la prudence et la responsabilité qui incombent à ses animateurs », a ajouté l’organisation.
Tôt dans la matinée du 22 juillet, des militaires se sont mutinés et ont provoqué des affrontements sur le camp militaire du 1er régiment des forces d’intervention (RFI), à Ivato, proche de l’aéroport international de la capitale, Antananarivo. Par mesure de sécurité, l’aéroport avait suspendu toutes ses liaisons aériennes.
Immédiatement après le début de la mutinerie, Free FM a diffusé le communiqué des mutins annonçant la suspension des institutions politiques, et la « mise en place d’un directoire militaire ».
Selon le ministre de la Communication, Harry Laurent Rahajason, ancient journaliste plus connu sous son nom de plume Rolly Mercia, la radio est « passible de poursuites judiciaires pour complicité d’atteinte à la sureté de l’Etat (. . .) propagation de fausses nouvelles et incitation à la haine et à la révolte. »
Suite à l’annonce du ministre de la Communication, des militaires ont fait irruption au studio de la station pour couper l’électricité. Constatant le maintien des émissions, les militaires sont intervenus une nouvelle fois vers 19 heures pour confisquer le matériel de diffusion, qui avait été préventivement placé en lieu sûr, selon Lalatiana Rakotondrazafy. Cette dernière a finalement décidé « d’éteindre les micros » pour une durée indéterminée.
En mai dernier, entre 3 000 et 5 000 personnes, selon l’Agence France-Presse (AFP), s’étaient réunies à l’appel de Free FM pour protester contre le gouvernement de transition et les menaces de fermeture de la station. La police avait violemment dispersé cette marche de protestation non autorisée.
Début mai, Lalatiana Rakotondrazafy et son collaborateur Fidèle Razarapiera avaient été placés en garde à vue pendant 24 heures. Ils avaient alors été poursuivis pour « diffamation », « diffusion de fausses nouvelles » et « incitation à la haine », peu de temps après que la station eut reçu deux mises en demeure de la Commission spéciale à la communication audiovisuelle (CSCA).
Cette instance de régulation audiovisuelle, dirigée par le ministre de la Communication, Harry Laurent Rahajason, a toujours suscité des doutes quant à son indépendance.
La situation de Free FM n’est pas sans rappeler celle de la chaîne Viva TV, qui avait été fermée manu militari avant les troubles politiques de 2009. Propriété de Andry Rajoelina, le groupe audiovisuel avait immédiatement réagi en créant un talk show très virulent à l’égard du pouvoir, « Anao ny fitenenana » (A vous la parole), dans lequel les journalistes Soavina Ralaisoavamanjaka, Lalatiana Rakotondrazafy, Fidèle Razarapiera et Rolly Mercia invitaient les auditeurs à débattre. L’équipe d’animateurs s’était finalement dissoute plusieurs mois après la mise en place de la Haute autorité de transition, certains rejoignant le gouvernement, d’autres l’opposition.
Depuis plus de trois ans, la grande île peine à retrouver la stabilité en raison de l’échec des négociations entre les différents partis politiques, et de l’apparition sporadique de mutineries et manifestations. Repoussées à trois reprises depuis mai 2011, des élections seront déterminées par un calendrier électoral, prévu le 1er août 2012.