Le régime iranien continue à menacer les familles des journalistes travaillant pour des médias basés à l’étranger et des journalistes de médias internationaux. Ces menaces se sont intensifiées suite à la couverture médiatique internationale des manifestations qui ont suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009.
(RSF/IFEX) – le 9 janvier 2013 – Reporters sans frontières exprime sa vive inquiétude devant les arrestations arbitraires de journalistes et de net-citoyens, et les menaces proférées à l’encontre des familles de professionnels des médias, iraniens ou étrangers. Depuis trois ans, l’organisation a recensé une dizaine de cas d’intimidations envers les familles de journalistes travaillant pour des médias basés à l’étranger et des professionnels de médias internationaux. Ces deux derniers mois, plusieurs journalistes et net-citoyens ont été convoqués et interrogés notamment à Téhéran, Bushehr, Karaj et Ghazvin, dont deux mineurs âgés de 14 et 15 ans.
Le 25 décembre 2012, les agents du ministère des renseignements ont effectué une perquisition au siège de l’hebdomadaire Hadiss Ghazvin, dans la ville de Ghazvin (nord du pays). Ils ont confisqué tous les ordinateurs et embarqué le personnel. Les journalistes ont été libérés après trois heures d’interrogation. En revanche, Rahim Sarkar, rédacteur en chef de l’hebdomadaire, est toujours en détention dans la prison du ministère des renseignements de la ville de Ghazvin. Il avait été déjà arrêté le 8 mars 2012 avant d’être libéré quatre jours plus tard après avoir versé une caution de 50 millions de tomans (environ 45 000 euros). Le journal a été suspendu pour la deuxième fois en un an.
Le 1er janvier 2013, Mohammad Kimyai, écrivain et collaborateur de l’hebdomadaire Hadiss Ghazvin, a également été arrêté à son domicile par les agents du ministère des renseignements. Sa famille ignore toujours le motif de son arrestation. Le journaliste est détenu à l’isolement dans une cellule de la prison du ministère des renseignements de la ville de Ghazvin.
Le même jour, dans la ville de Karaj (nord de pays), un blogueur 14 ans a été arrêté par la cyberpolice iranienne. La police chargée de pister les échanges de données (la FTA) indique sur son site que le jeune garçon avait » publié des contenus indécents » sur son blog et “suite à son arrestation, il avait avoué ses crimes ». Deux semaines plus tôt, plusieurs net-citoyens actifs sur les réseaux sociaux ont été convoqués et interrogés par la cyberpolice de la ville Bushehr. Parmi eux, Sorosh Ghissi zadeh, un blogueur 15 ans qui avait été interrogé pendant 5 heures. Son père Younes Ghissi zadeh, est un journaliste critique connu de la région. L’arrestation et interrogation de ce jeun blogueur pourrait d’être utilisé comme moyen de pression sur son père.
Le régime continue de menacer les familles des journalistes travaillant pour des médias basés à l’étranger et des journalistes de médias internationaux. Ces menaces se sont intensifiées suite à la couverture médiatique internationale des manifestations qui ont suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Depuis un an, en réaction au renforcement des sanctions internationales qui frappent le domaine des télécommunications et limitent les moyens de communications et de diffusion de la propagande de la République islamique, le régime a engagé des représailles contre les médias étrangers. La méthode utilisée :
– Les accréditations des journalistes de l’agence Reuters à Téhéran ont été retirées, suivant un scenario judiciaire instruit de toute pièce par les agents du ministère des Renseignements et de la Culture et de l’Orientation islamique.
– Des “journalistes“ proches des services des renseignements ont été imposé à certains médias pour les intimider et mieux contrôler leurs activités.
– Les pressions et le harcèlement de plusieurs collaborateurs et correspondantes iraniens ou étrangers des médias internationaux présents dans le pays ont été renforcées, afin de les forcer à interrompre leurs activités.
– Plusieurs journalistes ont été piégés par les agents du régime et accusés d’avoir des “relations immorales interdites par les lois islamiques“. Certains ont même été menacés de lapidation.
C’est le cas d’ H.KA, une jeune journaliste qui avait rencontré, au cours d’une conférence officielle organisée par le régime, en février 2010, un collègue d’un quotidien prestigieux européen à Téhéran. Convoquée quelques jours plus tard par le ministère des renseignements et interrogée sur ses relations « avec un agent étranger », elle avait été accusée d’espionnage et avoir eu des relations sexuelles avec un « mécréant », menacée, si elle ne collabore pas, de la peine capitale ou de lapidation. Forcer à signer des aveux selon lesquels elle avait été violée par le collègue étranger, la jeune femme a ensuite été contrainte de manipuler celui-ci, en le faisant notamment venir sur des lieux proches d’installations nucléaire. Désormais en exil, H.KA subit toujours des pressions à travers sa propre famille.
Le cas de cette journaliste, loin d’être isolée, illustre les méthodes systématiquement utilisées par la théocratie au pouvoir, noyée dans la corruption et la tyrannie. Ces accusations insensées permettent également de faire pression sur les gouvernements occidentaux face sanctions appliqués par ces derniers. Il s’agit d’une véritable prise d’otages.
Reporters sans frontières a transmis les témoignages de victimes de ces méthodes perverses utilisées par le régime de Téhéran à l’organisation des Nations unies pour les droits de l’homme.