Dans une vague de censure, le Cameroun a indéfiniment suspendu deux émissions de télévision, ainsi que trois émissions de radio. Ces mesures incluent également la suspension d'au moins sept journalistes.
Dans une vague de censure, le Cameroun a indéfiniment suspendu deux émissions de télévision, dont les contenus ont été jugés violents par l’organe de régulation des médias, ainsi que trois émissions de radio sous de vagues accusations d’atteinte à l’éthique et la déontologie professionnelle. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) condamne ces mesures, qui incluent également la suspension d’au moins sept journalistes.
«Ces émissions mettent en lumière les graves problèmes qui affectent la société camerounaise, notamment la criminalité, l’injustice et la corruption. Le gouvernement a utilisé le prétexte de l’atteinte à l’éthique et la déontologie professionnelle pour légitimer ses actions, mais il est évident que ce sont des mesures de censure », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons aux autorités de lever immédiatement ces mesures de censure et de cesser leur campagne continue visant à museler les médias faisant une couverture indépendante de l’actualité », a-t-il ajouté.
Le Conseil national de la communication (CNC) du Cameroun a annoncé ces mesures de censure dans un communiqué de presse jeudi dernier. Les responsables des médias dont les émissions sont interdites, ainsi que les journalistes suspendus, ont dit qu’ils allaient faire appel de ces mesures. Ils ont 10 jours pour le faire auprès du CNC.
Le CNC a accusé ces émissions de télévision d’avoir montré de larges extraits d’ « images violentes et indécentes », qui, selon lui, constituent une violation de la loi. Selon des médias les stations avaient diffusé en mars des émissions axées sur des meurtres horribles dans le pays.
L’organe de régulation des médias du Cameroun a interdit Canal 2tective, une émission d’investigation mensuelle sur la chaîne indépendante Canal 2 International, et suspendu son animateur, Ruben Malick Djoumbissié, pour trois mois. L’émission portait sur un reportage d’investigation au sujet de la découverte ces derniers mois de cadavres mutilés de jeunes filles trouvées dans le quartier de Mimboman dans la capitale Yaoundé. Le reportage avait soulevé des interrogations sur la possibilité de meurtres rituels et de trafic d’organes. L’émission comprenait des interviews avec les parents des victimes, ainsi que des habitants du quartier et des experts, et a souligné l’incapacité des autorités à mettre fin à la série de crimes, selon les images analysées par le CPJ.
Le CNC a également interdit l’émission hebdomadaire « IPP News » sur la chaîne privée LTM TV et suspendu pour six mois son animateur, Josh Zela Amadou, mieux connu sous le nom d’Awilo. La station avait envoyé un cameraman pour faire un reportage sur la découverte d’un corps décapité, selon des journalistes locaux. Awilo a déclaré au CPJ que les images avaient également été montrées par d’autres radiodiffuseurs sans conséquences.
Dans ses ordonnances interdisant les stations de radio, le CNC n’a pas donné de raisons spécifiques, mais a vaguement cité des atteintes à l’éthique et la déontologie professionnelle.
En outre, l’émission «Déballage» de la station Youth FM a été interdite et son animateur Duval Ebale suspendu pour six mois par le CNC, selon des médias. M. Ebale a déclaré au CPJ qu’il sollicitait une rencontre avec les responsables du CNC pour obtenir des détails sur la raison de la suspension. Il a souligné que cette mesure pourrait être liée à la récente couverture par ladite émission d’allégations d’irrégularités financières concernant un projet hydraulique entre le gouvernement camerounais et une société canadienne.
L’organe de régulation des médias du Cameroun a également interdit l’émission « La Voix des Sans Voix » de la station Amplitude FM et suspendu pour trois mois trois journalistes, Jean Jacques Ola Bebe, Aimé Césaire Zambo et Claude Yong, respectivement animateur, reporter et producteur. Cette émission constitue une plate-forme permettant aux citoyens locaux d’exprimer leurs griefs, notamment des litiges matrimoniaux et des plaintes concernant la police. M. Bebe a déclaré au CPJ que le CNC n’a pas précisé quelles règles auraient été violées par la station.
L’émission « Surface de Vérité » de Sky FM a été aussi interdite etson présentateur Hervé Mfoula suspendu pour trois mois. M. Mfoula a dit au CPJ que l’émission n’avait pas reçu de mise en demeure. Il a déclaré que « Surface de Vérité » a souvent médiatisé des plaintes personnelles de citoyens, dont la plupart ont été résolues hors d’antenne. Le promoteur de la station, Joseph Olinga, a déclaré au CPJ que le CNC avait adressé une lettre à Sky FM en mai 2012 dans laquelle il louait le travail de son personnel.
Quant au secrétaire général du CNC, Jean Tobi Hond, il a déclaré au CPJ qu’il ne pouvait pas faire de commentaires sur les détails de l’affaire, mais que le conseil avait des preuves pour étayer ses actions. Il a aussi précisé que les stations avaient le droit de faire appel.
Un décret présidentiel de janvier 2012 a accordé au CNC, dont les membres sont tous choisis par le président Paul Biya, de vastes pouvoir lui permettant de sanctionner ou de suspendre des organes de presse. Il convient de rappeler que M. Biya avait créé le CNC en 1991 comme un organe consultatif rattaché au bureau du Premier ministre pour aider le gouvernement dans la mise en œuvre et le suivi de la politique de communication.