RSF exprime son inquiétude concernant la sécurité des journalistes et leur liberté à pouvoir exercer leur métier au Cambodge suite aux récentes atteintes à la liberté de la presse dans le pays.
Reporters sans frontières exprime son inquiétude concernant la sécurité des journalistes et leur liberté à pouvoir exercer leur métier au Cambodge suite aux récentes atteintes à la liberté de la presse dans le pays. L’organisation renouvelle son soutien aux organisations locales de défense de la liberté de la presse dans leurs efforts de protection des droits des journalistes.
« Attaquer un journaliste est un acte illégal et une atteinte directe à la liberté de la presse. Nous demandons aux autorités de retrouver et punir les responsables de ces actes et de tout mettre en œuvre pour que la sécurité des journalistes puisse être garantie dans le pays », déclare Lucie Morillon, directrice de la recherche de Reporters sans frontières.
Le 1er mai 2014, au moins trois journalistes ont été brutalisés par les forces de sécurité présentes aux alentours de Freedom Park (parc de Phnom Penh accueillant les rassemblements de l’opposition). Daniel Quin, caméraman pour le site d’information The Phnom Penh Post, témoigne : « Je venais de filmer les policiers municipaux frappant un homme sur sa moto et les suivais revenant vers Freedom Park. Tout à coup, ils ont commencé à crier et deux d’entre eux sont venus vers moi en faisant tourner leurs matraques. Un homme plus âgé et en civil m’a frappé aux jambes avec quelque chose qui ressemblait à un bâton couvert de papier journal ». Peu de temps auparavant, une autre journaliste cambodgienne avait été frappée par des membres des forces de l’ordre qui l’avaient clairement pointée du doigt et indiquée comme cible.
Le lendemain, le journaliste de VOD, Lay Samean, a été passé à tabac par des agents de sécurité aux alentours de Freedom Park alors qu’il prenait des photos d’un moine qui se faisait chasser des lieux avec son collège Oudom Tat. « Plus de 50 gardes essayaient d’intimider la foule. J’ai voulu prendre des photos de la scène et je suis tombé. C’est là qu’entre sept et dix d’entre eux sont venus me frapper avec des bâtons et des barres en plastique. Je leur ai dit trois fois que j’étais journaliste, en vain », témoigne-t-il. « Je me suis réveillé sur un banc ». Il doit maintenant subir une intervention chirurgicale car l’os de sa joue droite est cassé. Ce jour-là, un photo-journaliste indépendant qui couvrait les événements pour des agences internationales a également été visé : « La tension est montée quand des agents de sécurité ont commencé à rouer un manifestant de coups devant moi. Je prenais des photos de la scène et l’un d’entre eux m’a visé en disant : ‘pas de photo, pas de photo’. J’ai tout de même continué. J’ai cru un moment que mon appareil photo avait été cassé et mon front m’a soudainement fait mal. Je n’ai aucune idée de comment c’est arrivé ; sur les photos que j’ai pu voir depuis et d’après les dires de certains témoins, l’agent en question m’a frappé au visage avec son talkie-walkie. Comme j’avais un casque, il n’a pas pu viser tout le visage et a préféré le faire sur mon appareil – qui n’est finalement pas cassé. Je pense que, j’étais peut-être trop près de ce qui se passait en effet, mais on m’a clairement visé après que j’ai pris cette photo ».
Le 4 mai 2014, le ministère de l’Information a publié un communiqué de presse condamnant les actes d’intimidation, de violence, la saisie de matériel et l’insulte à l’égard des journalistes, soulignant qu’il s’agit d’une violation grave à la liberté de la presse au Cambodge.
« Cette réaction officielle est importante pour la profession mais pas suffisante. Les autorités doivent mener des enquêtes sérieuses concernant ces violations afin que les récents progrès pour la liberté de la presse qu’a connus le pays ne soient pas amoindris. Il est important que les autorités prennent en compte tous les contextes dans lesquels les journalistes cambodgiens et internationaux sont limités dans leur travail, car beaucoup de sujets demeurent sensibles », ajoute Lucie Morillon.
Le 18 avril dernier, le Club des journalistes cambodgiens (CCJ) a publié un communiqué de presse dans lequel il déclare que « la sécurité des journalistes sur le terrain a été menacée », relevant au moins deux journalistes brutalisés et un brièvement détenu pour avoir voulu couvrir le trafic illégal de bois dans l’est du pays. Le 26 avril dernier, un groupe de journalistes s’est rendu dans la province orientale du Mondulkiri pour couvrir le même sujet. « Nous nous sommes rendus dans l’un des endroits qui posent le plus de problèmes en terme de trafic », témoigne Rohany Isa, journaliste pour le site internet ThmeyThmey. « Les autorités locales nous ont physiquement barré la route avec leurs motos et nous ont expliqué que nous ne passerions pas car ils en avaient reçu l’ordre. Nous n’avons pas pu faire ce que nous voulions faire et à l’heure actuelle, nous ignorons l’ampleur des dégâts dans la forêt ».
« Il semble que l’espace de liberté des journalistes sur le terrain se restreigne dans le pays, ce qui s’inscrit en faux par rapport aux progrès qui avaient été faits. Nous encourageons vivement le gouvernement à rétablir l’accès à l’information dans tout le pays et d’arrêter sa politique d’exceptions ».
« Le Cambodge bénéficie d’un environnement médiatique relativement libre par rapport à de nombreux pays d’Asie du Sud-Est, mais le gouvernement continue de traiter la liberté de la presse comme une faveur plutôt que comme un droit fondamental. Malgré une loi sur la presse qui consacre la liberté des médias, les journalistes cambodgiens qui traitent des sujets sensibles continuent de faire face aux intimidations, menaces, et poursuites de hauts fonctionnaires. (…) Bien que le ministère ait condamné les récentes attaques contre les journalistes, l’OPCC appelle le gouvernement à prendre des mesures concertées pour protéger les journalistes et leur permettre d’effectuer leur travail sans entrave » déclare le vice-président de l’Overseas Press Club of Cambodia, Sebastian Strangio.
Les régions du Ratanakiri et du Mondulkiri restent les plus dangereuses pour les journalistes au Cambodge. En 2012, le journaliste Hang Serei Oudom avait été retrouvé mort dans le coffre d’une voiture après avoir pris des photos du trafic de bois dans le Ratanakiri, un sujet qu’il couvrait beaucoup. Le Cambodge est situé à la 144ème place sur 180 du classement de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.