(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF : « Qui a tué Jean Dominique? » 3 avril 2000 – 3 avril 2001 « S’ils ont pu tuer Jean Dominique, ils peuvent tuer n’importe quel journaliste » Un an après l’assassinat, le 3 avril 2000, du célèbre journaliste haïtien Jean Dominique, Reporters sans frontières, qui s’est rendue en […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF :
« Qui a tué Jean Dominique? »
3 avril 2000 – 3 avril 2001
« S’ils ont pu tuer Jean Dominique, ils peuvent tuer n’importe quel journaliste »
Un an après l’assassinat, le 3 avril 2000, du célèbre journaliste haïtien Jean Dominique, Reporters sans frontières, qui s’est rendue en Haïti du 19 au 25 mars 2001, publie un rapport dans lequel l’organisation fait le point sur les nombreux obstacles rencontrées par les enquêteurs depuis le début de l’instruction.
Au terme de sa mission, RSF a pu constater que l’enquête a failli être étouffée à plusieurs reprises :
– Jean Wilner Lalanne, soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire entre les commanditaires et les exécutants, est mort après avoir subi une opération bénigne. Son corps a disparu de la morgue alors que les enquêteurs souhaitaient réaliser une autopsie.
– invoquant l’immunité parlementaire, le Sénat a refusé pendant plusieurs semaines que le sénateur Dany Toussaint, dont Jean Dominique avait dénoncé « les ambitions », soit entendu comme témoin par le juge d’instruction,
– à plusieurs reprises, les enquêteurs ont dû faire face à des actes d’intimidations et des menaces. Le premier juge d’instruction nommé sur l’enquête, Jean Sénat Fleury, a abandonné le dossier, après cinq mois d’enquête.
RSF craint que l’instruction ne rencontre de nouveaux obstacles. L’organisation considère que l’aboutissement de cette enquête dépend avant tout de la volonté politique du gouvernement. Elle estime que l’attitude qu’adoptera l’administration du président Jean-Bertrand Aristide dans cette affaire sera un signe de sa volonté à défendre la liberté de la presse et à lutter contre l’impunité dans un pays qui a connu une dizaine d’assassinats politiques au cours des deux dernières années.
Dans son rapport, RSF recommande à l’administration du président Aristide de renforcer les moyens financiers, matériels et logistiques alloués à l’instruction. L’organisation a également recommandé au pouvoir législatif de respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire, et au pouvoir exécutif, de s’engager à faire appliquer les décisions de justice, quelles que soient les personnes mises en cause. Enfin, RSF a demandé l’Organisation des Etats américains (OEA), à l’Union européenne, à l’Organisation internationale de la Francophonie et au Rapporteur spécial des Nations unies pour Haïti, d’accorder une attention particulière à cette affaire.
Le 3 avril 2000, Jean Dominique, le journaliste et analyste politique haïtien le plus connu du pays, était abattu dans la cour de sa station, Radio Haïti Inter. Cinq jours plus tard, 16 000 personnes étaient présentes au stade Sylvie Cator pour assister aux funérailles du journaliste. Le président René Préval avait décrété trois jours de deuil national. Depuis, une fondation a été créée, la « Fondasyon Eko Vwa Jean Dominique », pour faire en sorte que le crime ne reste pas impuni et prolonger l’engagement du directeur de Radio Haïti Inter en faveur de l’éducation et de la formation de la population.
« S’ils ont pu tuer Jean Dominique, ils peuvent tuer n’importe quel journaliste ». A l’image de Lilianne Pierre-Paul, l’actuelle directrice de Radio Kiskeya et ancienne journaliste de Radio Haïti Inter, l’ensemble des journalistes haïtiens s’est trouvé « en état de choc » le 3 avril. Ils ont pris cet assassinat comme un avertissement pour toute la presse.
Fervent démocrate, Jean Dominique avait dû prendre à deux reprises le chemin de l’exil, en 1981 sous la dictature de la famille Duvalier, puis en 1991 lors de l’arrivée des militaires au pouvoir (1991-1994).
Connu pour son indépendance de ton, le journaliste critiquait aussi bien les anciens duvaliéristes et les militaires, que les grandes familles de la bourgeoisie ou, plus récemment, ceux qu’ils soupçonnaient, au sein de Fanmi Lavalas, le parti du président Jean-Bertrand Aristide, de vouloir « détourner ce mouvement de ses principes ».
Ce rapport est disponible en français, anglais et espagnol sur le site de RSF : www.rsf.fr