Depuis que la commission rwandaise des médias s’est prononcée contre la suspension de la BBC en kinyarwanda, elle essuie de nombreuses tentatives de déstabilisation.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 7 novembre 2014.
Depuis que la commission rwandaise des médias s’est prononcée contre la suspension de la BBC en kinyarwanda, elle essuie de nombreuses tentatives de déstabilisation. Reporters sans frontières appelle les autorités rwandaises à défendre l’agence d’autorégulation contre les critiques.
Le 6 novembre, un véritable déchaînement médiatique a déferlé sur la commission rwandaise des médias (Rwanda Media Commission – RMC), l’organe d’autorégulation des médias au Rwanda, stigmatisée depuis sa prise de position contre la suspension de la BBC le 25 octobre. En l’espace de quelques heures, des dizaines de tweets virulents critiquant l’institution ont été publiés, s’en prenant tant à son mandat légal qu’à son président Fred Muvunyi.
Le président de la RMC avait eu le tort de critiquer la suspension des programmes du service des Grands Lacs de la BBC (Gahuzamiryango), par l’Autorité rwandaise de régulation des médias (Rwanda Utilities Regulatory Authority – RURA). Selon lui, la RURA, une agence de régulation des fréquences, n’a pas mandat à se prononcer sur le fond sans consulter la RMC. Cette suspension faisait suite à la diffusion télévisée sur BBC 2 à la mi-octobre du documentaire « Rwanda, The Untold Story”, (Rwanda : le non-dit).
Le 5 novembre, la RURA a annoncé la création d’une commission ad hoc, chargée d’enquêter sur les accusations de négation du génocide contre les Tutsis portées contre la BBC, encore une fois sans associer la RMC.
Parmi les auteurs de ces tweets se trouvent des anonymes, des journalistes, mais aussi des proches du pouvoir, comme Arthur Asiimwe, directeur de la Rwanda Broadcasting Agency, la télévision publique. Ce dernier a déjà exprimé son opposition au principe d’autorégulation des médias, et publié le 7 novembre un article vilipendant la RMC dans le journal The New Times. Les campagnes de diffamation sur Twitter ne sont pas une première.
« La RMC est victime d’une tentative de décrédibilisation visant à lui ôter toute légitimité. Si elle disparaît ou est vidée de tout pouvoir, alors le gouvernement aura les coudées encore plus franche pour censurer à loisir tout contenu qu’il juge inopportun. Nous demandons que le mandat de la RMC soit respecté et que les menaces contre son président cessent immédiatement », déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique chez Reporters sans frontières.
La RMC, qui a pris ses fonctions en septembre 2013, est née d’une volonté du gouvernement rwandais de mettre un terme à la régulation étatique du secteur de l’information. En juin 2011, le gouvernement avait annoncé une nouvelle politique des médias axée sur l’autorégulation. L’organe créé par la loi sur les médias de 2013 est chargé d’accréditer les journalistes et de réguler le contenu des médias sur la base d’un code d’éthique. Depuis, la RMC a toujours eu des positions extrêmement mesurées vis-à-vis des actions du gouvernement envers les médias.
La RURA, elle, est une agence gouvernementale aux compétences variées, telles que la poste, les transports ou la distribution d’eau. Ses fonctions dans le champ médiatique sont particulièrement floues, et comprennent notamment « la protection du public contre les informations trompeuses ». Toutefois, d’après le mémorandum d’accord signée par la RURA et la RMC en septembre 2013, les fonctions de la RURA sont principalement techniques et cette dernière ne peut aborder les questions de contenu qu’en collaboration avec la RMC.
Le Rwanda est en 162e position 180 pays dans l’édition 2014 du Classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.