(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au ministre de la Justice espagnol, Angel Acebes, RSF s’inquiète des implications pour la liberté de l’information en Russie d’une éventuelle décision d’extradition vers la Russie de Vladimir Goussinski. « L’enjeu politique derrière toute cette affaire est tel qu’il est peu vraisemblable que Vladimir Goussinski puisse bénéficier d’un procès équitable […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au ministre de la Justice espagnol, Angel Acebes, RSF s’inquiète des implications pour la liberté de l’information en Russie d’une éventuelle décision d’extradition vers la Russie de Vladimir Goussinski. « L’enjeu politique derrière toute cette affaire est tel qu’il est peu vraisemblable que Vladimir Goussinski puisse bénéficier d’un procès équitable à Moscou », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation. « Le groupe Media-Most représente, avec notamment la chaîne de télévision NTV, la principale voix d’opposition disposant d’une audience nationale en Russie. Nous vous demandons de bien considérer les implications d’une décision qui pourrait être lourde de conséquences pour le pluralisme de l’information en Russie », a ajouté Ménard.
Selon les informations recueillies par RSF, Eduardo Fungairino, procureur en chef de l’Audience nationale de Madrid, principale instance pénale espagnole, a annoncé, le 14 décembre 2000, qu’il n’existait aucun obstacle légal à l’extradition vers la Russie de Goussinski. Selon un avocat de Goussinski, Me Astakhov, l’extradition peut être refusée, dans le cadre de la Convention européenne sur l’extradition, si la demande est basée sur des considérations politiques.
Goussinski, propriétaire et président du groupe de presse Media-Most, a été arrêté, le 12 décembre, à San Roque (province espagnole de Cadix), suite à l’émission d’un mandat d’arrêt international par le procureur général adjoint de Russie, pour délit présumé d’escroquerie. Goussinski avait refusé de se présenter à une convocation du Parquet russe, et n’était pas rentré en Russie depuis juillet 2000. Goussinski a été incarcéré une première fois en juin 2000 sous l’accusation de « privatisation frauduleuse ». Il aurait été libéré, et l’affaire classée, suite à la signature en juillet d’une annexe secrète à un accord avec le monopole gazier Gazprom, principal créancier de Media-Most. Ce texte garantissait l’abandon des poursuites judiciaires en l’échange de la cession du groupe de presse à la compagnie d’État. Goussinski avait alors quitté la Russie, dénoncé l’accord, et rendu publique l’annexe paraphée par le ministre russe de la Communication qui prouvait l’implication du pouvoir dans cette « transaction ».
Goussinski avait appelé à voter pour le réformateur Grigori Iavlinski, opposant à Vladimir Poutine, à l’élection présidentielle de mars dernier. La chaîne de télévision NTV et la station de radio Echos de Moscou, appartenant au groupe, ont dénoncé à plusieurs reprises la corruption dans le pays et proposé un regard différent sur le conflit en Tchétchénie, en diffusant des témoignages de victimes. Le quotidien « Sevodnia », également propriété de Media-Most, a publié une série d’articles sur l’ascension politique de certains responsables du Service fédéral de sécurité (FSB, ex-KGB). Le groupe Media-Most a enfin fait l’objet de nombreuses pressions de la part des autorités tout au long de l’année. Le 16 mai, le ministère de l’Information avait menacé de sanctionner les médias « hostiles aux intérêts russes ».