Depuis le 16 février, le Soudan connaît une vague de censure des plus préoccupantes. Une vingtaine de journaux ont été confisqués après impression.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 19 février 2015.
Depuis le 16 février, le Soudan connaît une vague de censure des plus préoccupantes. Une vingtaine de journaux ont été confisqués après impression. Ces saisies, en plus de constituer une grave atteinte au pluralisme de l’information, représentent un cruel manque à gagner pour ces publications qui naviguent déjà dans un contexte économique précaire.
Lundi 16 février, la capitale soudanaise s’est vu confisquer 13 de ses journaux. Dans un mouvement de censure spectaculaire, les hommes du service national de renseignement et de sécurité (NISS, National intelligence and Security Services) ont saisi les éditions de 14 journaux chez l’imprimeur. La quasi-totalité des quotidiens de Khartoum – Al-Tayar, Al-Rai al-Aam, Al-Intibaha, Akhir Lahza, Al-Ahram al-Youm, Awal al-Nahar, Al-Watan, Al-Sudani, Alwan, Al-Saiha, Al-Mijhar al-Siyasi ainsi que deux magazines Al-Dar et Hikayat – ont été touchés.
Deux jours plus tard, cinq journaux faisaient également les frais de cette censure tous azimut : Al Sudani, Al Intibaha, Al Sahafa, Al Mighur et Al Taghier.
« Ces saisies massives et indiscriminées constituent un acte de censure insoutenable, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières (RSF). Les personnes sur place que RSF a interrogées sont incapables d’identifier ce qui aurait pu déplaire au gouvernement dans ces éditions de journaux. Mais il est probable qu’en vue des élections générales prévues en avril 2015, de tels comportements se répètent dans les semaines et mois à venir. Le gouvernement semble vouloir empêcher tout reportage qui pourrait faire débat.”
Asphyxie économique
Les services de renseignement soudanais (NISS) sont coutumiers de ces saisies de journaux. Au cours de l’année 2014, RSF estime à 35 le nombre d’éditions de journaux saisis. Le NISS opère toujours de la même façon, attendant que les journaux soient imprimés pour en saisir tous les exemplaires et empêcher ainsi leur vente. Aucune justification n’est apportée, et les propriétaires de journaux n’ont aucun recours légal possible.
“Ces saisies à répétitions d’éditions imprimées représentent un réel manque à gagner pour les directeurs de journaux. Le gouvernement de Khartoum en est évidement conscient et cela participe à sa stratégie d’asphyxie de la presse indépendante », poursuit Cléa Kahn-Sriber.
Et le harcèlement ne s’arrête pas là. Une célèbre journaliste, Madeeha Abdallah, est actuellement poursuivie en justice par les services de renseignement pour complicité criminelle, atteinte à l’ordre constitutionnel et publication de fausses informations. Ce cas est emblématique, mais ils sont des dizaines de journalistes soudanais à se faire harceler, arrêter, questionner quelques heures ou plusieurs jours avant d’être relâchés, toujours sans qu’aucune explication ne leur soit donnée. Ce harcèlement des services de renseignement se fait en toute légalité puisque la loi de Sécurité nationale de 2010 leur octroie l’immunité pour toutes leurs actions…
Le Soudan occupe la 174ème place du Classement 2015 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.