La mise en cause des deux journalistes s’appuie sur une législation vaticane, érigée après le premier « VatiLeaks », stipulant que « quiconque se procure de manière illégitime ou révèle des informations ou des documents dont la diffusion est interdite, est passible d’une peine de prison allant de six mois à deux ans, ou d’une amende allant de 1 000 à 5 000 euros ».
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 18 novembre 2015.
L’un des deux journalistes italiens, placés sous enquête par le Parquet du Vatican après la publication de leurs deux livres révélant des malversations au Saint-Siège, met en avant son droit à la liberté d’expression pour refuser de se soumettre à une interrogation de la justice vaticane. Une décision entièrement soutenue par Reporters sans frontières (RSF).
Placé sous enquête pour complicité présumée dans le délit de divulgation de documents confidentiels, le journaliste italien Gianluigi Nuzzi a affirmé, le 16 novembre sur son blog, son refus de se présenter à la justice vaticane : « Au Vatican, l’impunité qui dérive de l’exercice d’un droit comme en Italie n’est pas prévue. La possibilité d’exprimer librement sa pensée n’est pas reconnue (…). Celui qui révèle des informations est punissable. »
« En publiant « Avarizia » et « Chemin de croix », les deux journalistes italiens, Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi, n’ont fait qu’exercer leur droit d’informer dans l’intérêt général du public, ils ne sauraient être traités comme des criminels dans un pays a priori respectueux de la liberté de la presse », déclare Alexandra Geneste, chef du bureau UE-Balkans de RSF, à Bruxelles.
La mise en cause des deux journalistes s’appuie sur une législation vaticane de juillet 2013, érigée après le premier « VatiLeaks », stipulant que « quiconque se procure de manière illégitime ou révèle des informations ou des documents dont la diffusion est interdite, est passible d’une peine de prison allant de six mois à deux ans, ou d’une amende allant de 1 000 à 5 000 euros ».
Emiliano Fittipaldi s’est, lui, présenté à la convocation de la justice vaticane, et dit avoir répondu aux questions qui lui étaient posées en se « prévalant du secret professionnel, protégé par la loi, au moins en Italie. », a-t-il fait remarquer. Aux yeux du code pénal du Saint Siège, le délit dont sont soupçonnés les deux journalistes est punissable sur le territoire du petit Etat mais également en dehors, et y compris s’il est commis par un non ressortissant du Vatican.
« Il y a un mot pour qualifier ce genre de loi liberticide, il est habituellement le fait de régimes autoritaires, c’est le mot « censure ». Que le Vatican cherche à se protéger du scandale est une chose, mais qu’il pénalise sa divulgation par des journalistes dont la seule faute est d’avoir fait un travail d’investigation, n’est pas tolérable », insiste Alexandra Geneste.
Cette affaire, baptisée « VatiLeaks 2 » par la presse, en référence à une autre fuite de dossiers secrets en 2012, sous Benoît XVI, est partie de l’arrestation d’un prélat espagnol proche de l’Opus Dei, Lucio Angel Vallejo Balda, et d’une consultante en communication italienne, Francesca Immacolata Chaouqui, soupçonnés d’être à l’origine de la fuite de documents recueillis dans le cadre d’une commission d’experts sur les finances vaticanes, constituée en 2013 à la demande du pape. Mme Chaouqui a été libérée en raison de sa collaboration avec la justice.