Un tour d’horizon des principales informations sur la libre expression en Europe et en Asie centrale, basé sur les rapports des membres de l'IFEX.
Turquie
Alors que les procès, les arrestations et les détentions de journalistes et des voix de l’opposition se sont poursuivis tout au long du mois, juin a connu un développement potentiellement très significatif dans les relations de la Turquie avec l’UE. Un rapport présenté par le rapporteur de la Turquie du Parlement européen, Kati Piri (député européen pour le compte du Parti travailliste néerlandais), a recommandé que les négociations d’adhésion avec l’UE soient suspendues si jamais les réformes constitutionnelles récentes de la Turquie sont mises en œuvre (ces changements à la constitution turque donnent au président Erdogan des pouvoirs quasi dictatoriaux).
Suspend #Turkey accession talks if constitutional reforms go ahead unchanged, says @KatiPiri. ???? https://t.co/z5HpTdkSMX pic.twitter.com/blFF7GoT8o
— PvdA Europa (@pvdaeuropa) June 20, 2017
Le tweet dit: Suspendez les négociations d’adhésion de la #Turquie si les réformes constitutionnelles restent inchangées, dit @KatiPiri.
Le 20 juin, le Comité européen des affaires étrangères a adopté ce rapport et il est prévu qu’il soit envoyé en séance plénière en juillet pour que tous les députés se prononcent.
Les membres de l’IFEX nous ont informés de nombreux cas exceptionnels de liberté d’expression dans le pays. De manière significative, le mois de juin a connu le premier procès des journalistes accusés d’avoir participé au coup d’Etat manqué de 2016. Un certain nombre de membres de l’IFEX ont assisté au procès en tant qu’observateurs, y compris la Fédération internationale des journalistes, Human Rights Watch, PEN International, ARTICLE 19, Index on Censorship et l’Institut international de la presse. ARTICLE 19 a également présenté un avis juridique d’expert dans le procès des frères Mehmet et Ahmet Altan; La Plate-forme pour le journalisme indépendant P24 a publié le plaidoyer éloquent et percutant de d’Ahmet Altan.
Surveillance et mesures de protection
Il semble que l’UE va introduire des mesures visant à protéger les lanceurs d’alerte dans ses États membres. Le 30 mai, dans le cadre d’une enquête sur le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a déclaré qu’une directive européenne protégeant les lanceurs d’alerte serait présentée « dans les prochains mois ». Cette annonce a été accueillie favorablement par la Fédération européenne des journalistes (FEJ), qui a rejoint une coalition de groupes appelant à une telle législation. Comme l’a noté la FEJ, le scandale dit Luxleaks (qui a vu des journalistes et des lanceurs d’alerte poursuivis pour avoir démontré publiquement d’importantes évasions fiscales) fait de cette question une urgence.
Le mois de juin a également vu le Parlement allemand soutenir l’initiative de Reporters sans frontières (RSF) pour la mise sur pieds d’un Représentant spécial des Nations Unies pour la sécurité des journalistes. Comme l’a signalé RSF, les députés du Parlement allemand ont demandé au gouvernement de « soutenir une initiative de l’ONU sur la sécurité des journalistes et contre l’impunité, et de promouvoir la mise sur pieds d’un Représentant spécial pour surveiller le respect par les Etats membres de l’ONU de leurs obligations juridiques internationales de garantir la sécurité des journalistes et qui relèverait directement du Secrétaire général ». L’initiative de RSF a été endossée par de nombreux membres de l’IFEX.
Outside #Germany‘s #Bundestag w/@ReporterOG colleagues today welcoming new resolution on the UN Special Rep for the Safety of Journalists. pic.twitter.com/TC2KYdpAYY
— Rebecca Vincent (@rebecca_vincent) June 23, 2017
Le tweet dit: Devant #le Parlement Allemand (avec) les collègues de @ReporterOG accueillant aujourd’hui une nouvelle résolution sur le Rep spécial des Nations Unies pour la sécurité des journalistes.
Comme l’a indiqué International Press Institute (IPI), les membres de l’IFEX ont de nouveau demandé à l’OSCE de nommer un Représentant pour la liberté des Médias. Dunja Mijatović a quitté le poste en mars, mais il n’y a pas eu de signe de remplacement depuis. « Le défaut de nommer un nouveau titulaire du mandat risque de ralentir les progrès accomplis dans la protection des libertés des médias, de saper les progrès dans la promotion de sociétés stables, tolérantes et responsables », a déclaré IPI. Les organisations suivantes se sont joint à cet appel renouvelé de IPI : ARTICLE 19, le Comité pour la protection des journalistes, la Fédération européenne des journalistes, la Fédération internationale des journalistes, Index on Censorship et Reporters sans frontières.
Au-delà de la répression massive autoritaire des protestations publiques en Biélorussie plus tôt cette année, Human Rights Watch a appelé le Conseil des droits de l’homme à renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur la Biélorussie « en dépit du refus continu des autorités biélorusses à coopérer » avec le mécanisme de surveillance.
Une occasion manquée en Asie centrale
Human Rights Watch a également interpelé le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, pour n’avoir pas exprimé ses inquiétudes concernant les violations des droits humains lors de sa tournée en Asie centrale ce mois-ci. S’il avait été enclin à dénoncer, il y aurait eu quelques cas à choisir parmi tant d’autres …
Au Kazakhstan, Adil Soz a rapporté que l’éditeur Zhanbolat Mamay (détenu depuis février sur des fausses accusations de détournement de fonds) a vu sa détention préventive prolongée jusqu’au 10 juillet; Mamay s’est plaint d’être soumis à des bastonnades et à une tentative d’extorsion pendant sa détention. Sur un autre chapitre, le Kazakhstan semble utiliser des tactiques similaires à celles qui sont utilisées en Macédoine, en Biélorussie et en Russie pour empêcher les droits des ONG dans leur travail. Ce mois-ci, Freedom House a publié une déclaration condamnant le Kazakhstan pour avoir harceler trois ONG proéminentes via le système fiscal.
Le Comité pour la protection des journalistes a appelé les autorités kirghizes à assurer la sécurité du journaliste Ulugbek Babakulov, qui a reçu des menaces de mort à la suite de sa condamnation publique de l’utilisation largement répandue des insultes ethniques dans les médias kirghizes. Ironiquement, Babakulov a été accusé « d’incitation à la haine ethnique » en mai pour avoir soulever le problème. Reporters sans frontières a condamné le harcèlement et les poursuites judiciaires du Kirghizstan contre les journalistes indépendants, y compris la censure de la première agence de presse indépendante en ligne Ferghana.
Ce mois-ci, la femme de l’activiste de l’opposition ouzbek Nuraddin Jumaniyazov a rapporté que son mari était mort en prison en décembre 2016. Jumaniyazov avait été malade pendant un certain temps et avait été emprisonné pour des accusations de nature politique. Human Rights Watch a demandé à l’Ouzbékistan d’autoriser immédiatement une enquête indépendante sur ce décès.
La Hongrie, l’Ukraine, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la Russie en bref
En Hongrie, les législateurs ont adopté une nouvelle loi répressive sur les ONG (La « Loi sur la transparence des organisations financées à partir de l’étranger »). Il s’agit d’une mesure législative semblable à l’infâme Loi de Russie sur « les agents étrangers » qui oblige les ONG recevant des fonds de l’étranger à s’inscrire comme agents étrangers. Comme en Russie, ceci fait partie d’une longue campagne pour enlever toute légitimité aux ONG et entraver leur travail des droits. Le Syndicat hongrois des libertés civiles a courageusement déclaré qu’il refuserait de se conformer à la nouvelle loi. PEN International a condamné la loi pour l’« effet dissuasif » qu’elle aurait sur la liberté d’expression. Lydia Gall de Human Rights Watch a déclaré que la Hongrie « prenait les valeurs européennes pour une distraction » et que l’UE devait prendre des mesures plus énergiques pour rejeter les politiques autoritaires du pays.
Le 3 juin 2017, le journaliste ukrainien Stanyslav Aseev était porté disparu de sa maison à Donetsk, à l’est de l’Ukraine. La famille et les amis craignent qu’il ait été kidnappé par des séparatistes pro-russes. Reporters sans frontières et le Comité pour la protection des journalistes ont appelé les autorités de l’est de l’Ukraine à faire tout leur possible pour localiser Aseev. La Fédération européenne des journalistes a soumis l’affaire à la plate-forme du Conseil de l’Europe pour la sécurité des journalistes.
Au plus fort de l’interdiction le mois dernier des médias sociaux russes en Ukraine, l’Institut des informations de masse a publié une liste des médias que le Ministère de la politique de l’information de l’Ukraine voudrait voir interdits.
Dans un cas qui a choqué la communauté internationale des droits, Afgan Mukhtarli, un journaliste azerbaïdjanais exilé vivant en Géorgie, a été enlevé le 29 mai à Tbilissi et transporté à Bakou, en Azerbaïdjan. Il a été placé en détention préventive pendant trois mois sur des accusations totalement suspectes d’avoir franchi illégalement la frontière, de contrebande et d’agression de la police. Des membres de l’IFEX ont écrit une lettre ouverte au Premier ministre géorgien Giorgi Krvirikashvili, appelant à une enquête sur l’enlèvement. L’Institut pour la liberté et la sécurité des journalistes (IRFS) a appelé à la libération de Mukhtarli et a signalé que la Cour européenne des droits de l’homme envisageait une plainte concernant le cas du journaliste. Le 15 juin, le Parlement européen a adopté une résolution urgente condamnant l’enlèvement, demandant à la Géorgie d’enquêter sur l’affaire et appelant à la libération de Mukhtarli et d’autres détenus pour des raisons politiques.
La Russie a poursuivi ses tentatives de mater les protestations publiques. Index on Censorship et ARTICLE 19 ont condamné les arrestations massives – selon le rapport – plus de 1 000 activistes anticorruptions (y compris le chef de l’opposition Alexei Navalny), qui ont eu lieu lors des manifestations à travers la Russie le 12 juin.
Mais il y avait aussi de bonnes nouvelles liées à la Russie: la Cour européenne des droits de l’homme, après avoir entendu une affaire portée devant elle par trois militants LGBTQI + qui avaient été poursuivis en justice en vertu de la loi russe dite « Loi de propagande gay », a statué que la loi était discriminatoire et que le droit des militants à la libre expression avait été violé. La Fédération de Russie a été condamnée à payer, endéans trois mois, des dommages-intérêts plus les couts de justice pour un total de 43 000 euros.