Selon un site d'investigation, Pékin aurait persuadé le géant du web de lancer une version censurée de son moteur de recherche, ce qui porterait un coup grave à la liberté de l'information.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 2 août 2018.
Reporters sans frontières (RSF) appelle Google à ne pas céder au régime chinois. Selon un site d’investigation, Pékin aurait persuadé le géant du web de lancer une version censurée de son moteur de recherche, ce qui porterait un coup grave à la liberté de l’information.
Citant des fuites internes à Google, le site d’investigation américain The Intercept a publié le 1er août un article indiquant que le géant de l’internet serait sur le point de céder aux exigences de Pékin en lançant, en échange d’un accès au marché chinois, une version censurée de son moteur de recherche pour le système d’exploitation Android.
La liste noire du régime de Pékin comprend un grand nombre de termes jugés contraire à « l’harmonie sociale » dont les références à Tian’anmen, à l’indépendance de Taïwan, à la répression au Tibet et au Xinjiang, aux droits civiques et la démocratie, ainsi que de nombreux sites internet dont Wikipedia, le New York Times, la BBC, Bloomberg News et Reporters sans frontières (RSF).
Google a refusé de commenter ces révélations, les qualifiant de « spéculations ». L’information a en effet de quoi surprendre, sachant qu’en 2010, l’entreprise avait préféré abandonner le marché chinois plutôt que de se plier à la censure. RSF s’inquiète néanmoins d’un tel projet, qui violerait par nature le droit d’accès à l’information en ligne. « Sous prétexte de «souveraineté nationale», le régime du président Xi Jinping fait en réalité le forcing pour imposer au monde son modèle de censure et de surveillance », commente Cédric Alviani, directeur du bureau Asie de l’Est de RSF.
« RSF demande à Google de rejeter en bloc les exigences de Pékin, déclare Elodie Vialle, responsable du bureau Journalisme et Technologie de RSF. Ce projet, s’il était confirmé, donnerait un moyen de pression et de chantage supplémentaire pour Pékin sur Google, et normaliserait un peu plus le modèle répressif chinois, en légitimant ses demandes liberticides. »
RSF s’inquiète aussi d’un effet domino sur les autres géants technologiques qui tentent aujourd’hui d’avancer leurs pions sur ce marché de 1,3 milliard d’utilisateurs potentiels. Facebook est bloqué en Chine depuis 2009 pour avoir refusé de se plier à la censure, mais courtise les autorités chinoises et a enregistré une filiale en Chine le mois dernier. Le réseau social professionnel Linkedin a pour sa part accepté les règles de Pékin en lançant la version chinoise de son site en 2014.
En début d’année, pour « se conformer à la loi chinoise », Apple a par ailleurs accepté de sous-traiter l’exploitation de l’iCloud chinois à une entreprise liée aux autorités. L’année précédente, l’entreprise à la pomme avait déjà fait scandale en retirant de sa boutique chinoise les services VPN permettant de contourner la censure et la surveillance.
La Chine occupe le bas du Classement RSF de la liberté de la presse (176e sur 180 pays).