A moins de deux mois des élections générales, RSF appelle les autorités à mener une enquête sérieuse pour sanctionner les auteurs de ce déferlement de haine contre le journaliste Karima Brown.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 13 mars 2019.
L’un des leaders de l’opposition a publié le numéro de portable d’une journaliste sud-africaine en l’accusant d’espionnage, provoquant un déferlement de messages insultants et menaçants à son encontre. A moins de deux mois des élections générales, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à mener une enquête sérieuse pour sanctionner les auteurs de ce déferlement de haine contre cette journaliste.
SMS insultants, appels anonymes menaçants et messages de haine sur les réseaux sociaux sont devenus le quotidien de Karima Brown, journaliste politique pour plusieurs médias privés, depuis que Julius Malema, le leader de l’Economic Freedom Fighters (EFF), la troisième force politique d’Afrique du sud, a posté sur son compte twitter personnel, un message de la journaliste dans lequel apparaît son numéro de téléphone. La journaliste avait envoyé ce message par erreur dans un groupe WhatsApp utilisé par des médias et des responsables politiques de l’EFF. Croyant écrire à ses collaborateurs, elle leur demandait de suivre de près une rencontre prévue entre Julius Malema et des retraités. Le contenu a été repris, entouré en rouge avec le numéro de téléphone de la journaliste et publié par Julius Malema -2,35 millions d’abonnés sur Twitter- qui l’a publiquement accusée d’avoir voulu envoyer des « espions » lors de cette rencontre.
RSF a pu consulter de nombreux SMS et messages contenant des propos injurieux, misogynes et racistes, des appels au viol et des menaces explicites contre la vie de la présentatrice travaillant pour la chaîne eNCA et 702, une radio privée de Johannesburg. Ces propos ont été écrits ou tenus par des personnes s’identifiant principalement comme des soutiens de l’EFF et de son leader.
« En accusant cette journaliste d’espionnage et en diffusant publiquement son numéro, ce responsable politique, coutumier des attaques contre la presse, savait très bien quel type de réactions il susciterait, notamment parmi ses partisans, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Sa responsabilité dans ce déferlement d’injures, d’intimidations et de menaces est pleinement engagée. Nous demandons à la police de mener une enquête sérieuse pour sanctionner les auteurs de cette campagne de haine. A quelques semaines des élections générales nous demandons également à la commission électorale indépendante de prendre les mesures qui s’imposent contre les attaques et menaces dont font régulièrement l’objet des journalistes et médias sud-africains de la part de ce parti politique, ses supporters et son leader. »
En novembre, RSF avait déjà publiquement dénoncé les insultes et attaques haineuses à répétition de Julius Malema contre la presse. Plusieurs journalistes et une organisation de défense des médias avaient même porté plainte.
Les élections générales sont prévues le 8 mai prochain en Afrique du sud. L’article 8 du code de conduite pendant les élections impose aux partis et candidats de « prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’assurer que les journalistes ne soient pas l’objet de harcèlement, d’intimidations, de menaces ou d’attaques par des responsables ou des militants politiques. » La commission électorale a confirmé qu’elle étudierait la plainte de la journaliste. La transgression du code de conduite peut entraîner un large panel de sanctions allant d’une simple amende à une peine de 10 ans de prison en passant par l’annulation de la participation d’un parti aux élections.
L’Afrique du Sud occupe la 28e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.