(RSF/IFEX) – Depuis le 8 juillet 2002, le gouvernement a entamé un bras de fer avec le quotidien « Janakantha » pour l’obliger à fournir au ministère de l’Intérieur les sources qui ont permis de publier deux articles sur le fonctionnement de la police. « Le gouvernement du Bangladesh a tous les droits d’exiger un démenti suite à […]
(RSF/IFEX) – Depuis le 8 juillet 2002, le gouvernement a entamé un bras de fer avec le quotidien « Janakantha » pour l’obliger à fournir au ministère de l’Intérieur les sources qui ont permis de publier deux articles sur le fonctionnement de la police.
« Le gouvernement du Bangladesh a tous les droits d’exiger un démenti suite à un article, mais nous tenons à vous rappeler que le principe de la protection des sources journalistiques, menacé dans de nombreux pays, est l’une des conditions essentielles à la liberté de la presse », ont déclaré Robert Ménard et Nayyemul Islam Khan, respectivement secrétaire général de RSF et président du Centre pour le développement, le journalisme et la communication du Bangladesh (BCDJC), dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, Altaf Hossain Chowdhury. Les deux organisations ont exprimé leur vive préoccupation quant aux menaces du gouvernement de poursuivre ce quotidien indépendant pour « sédition ». Elles ont demandé au ministre que ce harcèlement cesse et que le principe de protection des sources soit respecté.
Suite à la publication, le 8 juillet, dans le quotidien « Janakantha » d’un article sur une affaire de corruption liée à la nomination d’officiers de police, le ministère de l’Intérieur a adressé à la direction du journal une lettre de menaces accompagnée d’un ultimatum. Les autorités reprochent au quotidien d’avoir tenté de « démoraliser les policiers » et exigent dans les deux jours les sources de cette information. Quatre jours après l’expiration de l’ultimatum, le ministère de l’Intérieur a réitéré par écrit sa demande. Avant d’envoyer, le 21 juillet, une troisième lettre qui menace le journal de poursuites judiciaires en vertu des articles 131 et 132 du code pénal. Ils prévoient de très lourdes peines pour « sédition ». Dans cette dernière lettre, le ministère de l’Intérieur reproche également au journal d’avoir de nouveau tenté de démoraliser la police en publiant un article sur le limogeage de trente-six officiers de police qui sont des anciens combattants de la guerre de libération de 1971. La rédaction du « Janakantha » affirme quant à elle que des articles sur des affaires de corruption pourraient « aider le gouvernement à sanctionner les coupables ».
En janvier, RSF avait déjà dénoncé le harcèlement dont le journal « Janakantha » était victime (consulter l’alerte de l’IFEX du 18 janvier 2002). La compagnie de distribution de l’électricité à Dhaka (DESA) avait coupé, le 16 janvier, le courant électrique de l’imprimerie du journal à Dhaka. Selon un employé de la DESA, l’ordre de couper le courant « venait d’en haut ». Le 14 janvier, Kabir Uddin Hannu, un élu d’un village du sud du pays, affilié au Bangladesh Nationalist Party (BNP, parti au pouvoir), et ses hommes de main avaient violemment frappé Shawkat Milton, correspondant de « Janakantha » à Barisal. Quelques jours auparavant, le 8 janvier, Reazzudin Jami, correspondant de « Janakantha » à Brahmanbaria (est du pays), avait été agressé par des activistes armés de la jeunesse du BNP. Dès le 22 novembre 2001, le gouvernement avait suspendu l’achat d’espaces publicitaires dans le journal. Cette décision faisait suite à des articles sur les violences contre les minorités hindoues et les militants de la Ligue Awami imputées à des membres du parti au pouvoir. Dans un éditorial publié en première page du quotidien, la rédaction affirmait que cette décision venait du plus haut sommet du gouvernement et non pas du département du film et des publications qui « n’a fait qu’appliquer les ordres ».