(RSF/IFEX) – Le 28 janvier 2003, Sergueï Douvanov, rédacteur en chef du magazine « Bulletin », publié par le Bureau international de défense des droits de l’homme, a été condamné à trois ans et demi de prison par le tribunal d’Almaty pour le viol d’une mineure. Le procureur avait requis une peine de sept ans de prison, […]
(RSF/IFEX) – Le 28 janvier 2003, Sergueï Douvanov, rédacteur en chef du magazine « Bulletin », publié par le Bureau international de défense des droits de l’homme, a été condamné à trois ans et demi de prison par le tribunal d’Almaty pour le viol d’une mineure. Le procureur avait requis une peine de sept ans de prison, mais le juge a requalifié le crime, estimant que Douvanov ignorait l’âge de la victime.
« En raison de la répression dont Sergueï Douvanov, comme l’ensemble de la presse indépendante et d’opposition, est victime au Kazakhstan, nous sommes en droit de penser que cette accusation revêt un caractère politique. Nous attendions des autorités qu’elles garantissent au journaliste un procès équitable et transparent. Or, étant donné les nombreuses irrégularités constatées pendant l’enquête et les violations constantes des droits de la défense au cours du procès, cette décision de justice n’a aucune valeur légale », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF.
Douvanov avait été arrêté par la police le 28 octobre 2002, pour le viol présumé d’une mineure de quatorze ans. Le journaliste devait se rendre le lendemain aux États-Unis pour y présenter un rapport sur la démocratie et les droits de l’homme au Kazakhstan. Incarcéré au centre de détention provisoire d’Almaty, le journaliste avait fait une grève de la faim et de la soif pendant dix jours afin de prouver son innocence. Le 29 novembre, lors d’une conférence de presse à la Commission européenne, le président Noursultan Nazarbaïev avait affirmé : « La culpabilité du journaliste est prouvée ». Le procès de Douvanov s’était ouvert le 24 décembre, sans que ses avocats aient eu la possibilité d’étudier l’intégralité de son dossier. Considérant son procès comme une parodie de justice, le journaliste avait décidé, le 23 janvier, de renoncer à l’aide de ses avocats. La veille, le tribunal avait rejeté une requête de ses avocats demandant l’annulation des poursuites pour absence de preuves, et en raison de nombreuses violations de la loi au cours de l’enquête et du procès.
D’après ses avocats, Douvanov a écouté son verdict le dos tourné au procureur en signe de protestation. Evguéni Zhovtis, l’un de ses avocats, a déclaré à RSF : « Ce procès est une provocation. Aucune preuve de la culpabilité de Sergueï Douvanov n’a été apportée et les principes fondamentaux du droit kazakh ont été bafoués ».
Douvanov est réputé pour être l’un des journalistes kazakhs les plus critiques envers les autorités. Il dénonce régulièrement le harcèlement qu’elles exercent sur les médias indépendants et sur l’opposition, et fait l’objet de poursuites judiciaires pour atteinte à l’honneur et à la dignité du président Nazarbaïev. Le 28 août, le journaliste d’opposition avait été agressé par trois inconnus et grièvement blessé (consulter l’alerte de l’IFEX du 30 août 2002).
Lors d’une mission d’enquête en juillet à Almaty, un représentant de RSF avait rencontré à plusieurs reprises Douvanov. Il lui avait exposé les différentes mesures d’intimidation et les pressions judiciaires dont il faisait l’objet de la part des autorités. Il lui avait confié que le pouvoir n’hésiterait pas à le piéger par une affaire de moeurs ou de drogue. « Je suis encore libre et en bonne santé, mais cela peut ne pas durer », avait-il conclu.
Selon les organisations locales de défense des droits de l’homme et les journalistes d’opposition kazakhs, les opposants politiques sont régulièrement discrédités par les services secrets dans le but de les intimider ou de les faire chanter.
RSF rappelle qu’Artur Platonov, journaliste politique de la chaîne de télévision indépendante KTK, a été violemment agressé le 16 août à Almaty (consulter l’alerte de l’IFEX du 19 août 2002). Par ailleurs, la fille de la journaliste Lira Baïssetova, rédactrice en chef de l’hebdomadaire d’opposition « Respublika », est décédée le 21 juin dans des conditions suspectes alors qu’elle se trouvait en garde à vue (consulter des alertes de l’IFEX du 13 décembre, 29 août et 2 juillet 2002).