(RSF/IFEX) – À une semaine de l’élection présidentielle au Rwanda, RSF a solennellement interpellé chacun des quatre candidats à la plus haute charge de l’État, afin de leur demander de prendre des engagements en faveur de la liberté de la presse. « Nous vous demandons de prendre position publiquement sur cette question et de proposer des […]
(RSF/IFEX) – À une semaine de l’élection présidentielle au Rwanda, RSF a solennellement interpellé chacun des quatre candidats à la plus haute charge de l’État, afin de leur demander de prendre des engagements en faveur de la liberté de la presse.
« Nous vous demandons de prendre position publiquement sur cette question et de proposer des mesures concrètes pour faire progresser la liberté de la presse », a écrit l’organisation aux quatre candidats, Paul Kagame, l’actuel président, Faustin Twagiramungu, ancien Premier ministre, Jean-Népomuscène Nayinzira, ancien député, et Alivera Mukabaramba, la première femme à se présenter à l’élection présidentielle.
« L’information est toujours monocolore au Rwanda et les rares journaux indépendants paraissent dans des conditions difficiles », a souligné l’organisation, rappelant que ces publications sont régulièrement victimes de tracasseries administratives et que l’une d’entre elles, « Indorerwamo », a été saisie, en avril 2003, par la police (consulter l’alerte de l’IFEX du 23 avril 2003). RSF a également déploré que le Rwanda soit aujourd’hui l’un des derniers pays de la région et du continent africain à ne disposer d’aucun média audiovisuel privé. En effet, les autorités rwandaises instrumentalisent l’exemple de la Radio-télévision libre des milles collines pour stigmatiser le danger que représenteraient les radios privées, un argument obsolète selon l’organisation.
RSF a également plaidé la cause de deux journalistes emprisonnés qu’elle défend depuis plusieurs années, Dominique Makeli et Tatiana Mukakibibi. Elle estime qu’ils n’ont rien fait d’autre qu’exercer leur métier et a demandé en conséquence à chaque candidat de s’engager à les libérer dans les plus brefs délais.
Makeli, journaliste de Radio Rwanda, est détenu à la prison centrale de Kigali (PCK) depuis 1994 (consulter des alertes du 4 décembre et 3 juillet 2002, 8 novembre 2001, 15 octobre, 17 et 9 février 1998, 6 février 1995 et 12 décembre 1994). En octobre 2001, le procureur de la République de Kigali, Sylvaire Gatambiye, avait affirmé à RSF que Makeli était accusé d’avoir « incité au génocide dans ses reportages ». En mai 1994, il avait couvert une apparition de la Vierge à Kibeho (ouest du pays) et rapporté sa supposée déclaration : « Le parent est au ciel ». Le procureur avait expliqué que, dans le contexte de l’époque, cela signifiait : « Le président Habyarimana est au ciel ». La population aurait interprété ce message comme un soutien de Dieu à l’ancien Président et, par extension, à la politique d’extermination des Tutsis. RSF s’est procuré l’enregistrement de ce programme et l’a fait écouter à plusieurs Rwandais. Aucun d’entre eux n’a estimé que Makeli avait incité à la haine en réalisant ce reportage.
Mukakibibi était animatrice et productrice de programmes à Radio Rwanda. Son travail consistait à animer des émissions de divertissements et de musique. Le 6 avril 1994, elle était en reportage à Cyangugu, dans l’est du pays. Le 4 juillet 1994, Mukakibibi s’était réfugiée avec d’autres journalistes à Bukavu, en République démocratique du Congo. Le 10 août, elle était rentrée au Rwanda, à Kapgayi (près de Gitarama), où elle avait commencé à travailler avec l’abbé André Sibomana. Début octobre 1996, elle avait été interpellée à son domicile de Ntenyo (Gitarama) par la police et conduite au cachot communal où elle est toujours détenue dans des conditions très pénibles (consulter des alertes du 4 décembre et 3 juillet 2002 et 8 novembre 2001).
Dans les mois qui ont suivi son arrestation, la journaliste a été accusée d’avoir tué ou fait tuer Eugène Bwanamudogo, un Tutsi qui réalisait des programmes radiophoniques pour le ministère de l’Agriculture. Selon un témoin rencontré par RSF, qui vivait avec la journaliste au moment du génocide, Mukakibibi n’a pas pu tuer Bwanamudogo car ce dernier serait mort dans les premiers jours du génocide et, à cette période, la journaliste se trouvait à Cyangugu, en reportage. De plus, l’un des frères de Bwanamudogo aurait dit à ce témoin qu’il avait été tué par des militaires. Mukakibibi aurait ensuite été arrêtée sur dénonciation de Laetitia, la soeur de Bwanamudogo. Il existait une rivalité entre les deux familles parce que le frère de la journaliste, Damascène Muhinda, aurait pris part à un massacre contre des membres de la famille de Bwanamudogo.