(JED/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de JED, daté du 13 février 2004 : Un journaliste totalise 12 mois de détention sans jugement Kinshasa, le 13 février 2004 Journaliste en danger (JED), organisation non gouvernementale de défense et de promotion de la liberté de la presse et Réseau d’alerte de l’OMAC (Organisation des médias […]
(JED/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de JED, daté du 13 février 2004 :
Un journaliste totalise 12 mois de détention sans jugement
Kinshasa, le 13 février 2004
Journaliste en danger (JED), organisation non gouvernementale de défense et de promotion de la liberté de la presse et Réseau d’alerte de l’OMAC (Organisation des médias d’Afrique centrale), porte à la connaissance de l’opinion nationale et internationale que ce samedi 14 février 2004, Bamporiki Chamira, journaliste au quotidien La Tempête des Tropiques, totalise 12 mois de détention préventive au Centre CPRK (Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa, ex-prison centrale de Makala).
Bamporiki Chamira avait été arrêté le vendredi 14 février 2003 à 6h00 du matin, en même temps que feue son épouse, à leur domicile à Kinshasa/Ngaliema par des agents de l’ANR (Agence nationale des renseignements). Officiellement, le journaliste est accusé de complot visant à porter atteinte à la vie du Président Joseph Kabila, d’avoir essayé de renverser le régime politique en place et d’avoir tenté de venger la mort du Commandant Anselme Massasu. Après 40 jours de détention dans les cachots de l’ANR, Chamira sera déféré, le 25 mars 2003, devant la Cour de Sûreté de l’Etat (CSE) et transféré à l’ex-Prison centrale de Makala.
Son procès s’est ouvert le mardi 17 juin 2003 devant la CSE avec pour accusation officielle : « participation directe ou indirecte à un complot visant à éliminer le président Joseph Kabila et participation directe ou indirecte à l’évasion du commandant Doris Mbenge du cachot de l’ANR ».
Au cours de l’instruction, la défense du journaliste, assurée par Me Diku Dieudonné, avait demandé au Ministère public de donner les faits qui démontrent à suffisance que le journaliste participait à un complot. En guise de réponse, le Ministère public avait dit que le journaliste était en communication téléphonique, le jour de l’évasion du commandant Doris Mbenge à 1h00 du matin, avec sa fille qui se trouve être l’épouse dudit commandant. La défense du journaliste avait estimé que l’aveu du Ministère public supposait que le téléphone du journaliste était sur écoute et que par conséquent il était possible d’empêcher l’évasion du commandant Mbenge.
L’affaire avait été ainsi prise en délibérée à l’audience du 24 juin 2003. Jusqu’en décembre 2003, la CSE n’avait toujours pas rendu son verdict, en violation de la loi qui prévoit, en matière pénale, un délai de huit jours à partir du moment où l’affaire a été prise en délibéré. C’est au mois de janvier 2004 qu’un arrêt avant dire droit va être pris afin d’examiner l’exception soulevée par la défense du journaliste. En effet, la défense de Chamira avait estimé qu’il y avait deux poids deux mesures dans l’exécution du décret d’amnistie du 15 avril 2003 dans la mesure où leur client n’en a pas bénéficié. La CSE a décidé, pour examiner l’exception, de la joindre au fond. D’où la reprise du procès qui a connu déjà trois nouvelles audiences.
JED constate que Chamira n’a pas commis un délit de presse et qu’il est poursuivi pour un délit de droit commun. Mais, par esprit de corps, JED voudrait attirer l’attention de tous sur les graves irrégularités de procédure et de fond qui entourent cette détention au mépris de tous les engagements pris par la RD Congo en faveur du respect des droits fondamentaux de l’homme.
En effet, JED relève, dans cette affaire, les irrégularités suivantes :
1. Du point de vue de la forme :
– la prorogation de la détention préventive de Monsieur Chamira manque tout fondement juridique tant on sait qu’une détention préventive n’est que mesure d’instruction exceptionnelle et qu’elle ne peut aucunement constituer une quelconque exécution pénale. Elle viole donc les prescrits de l’article 28 du Code de procédure pénale.
– rien ne justifie le refus du juge d’accorder à Chamira une liberté provisoire, tant sa fuite n’est pas à craindre, qu’il a un domicile et une profession fixe et connue et qu’en plus il détient des pièces d’identité régulièrement délivrées par l’autorité compétente. Ce refus viole ainsi le dispositif de l’article 32 du Code de procédure pénale.
– le délibéré annoncé à l’issue de l’audience du 24 juin 2003 s’est vu passé outre en violation des dispositions de l’article 80 du Code de procédure pénale qui dit que les décisions judiciaires sont prononcées au plus tard dans les huit jours qui suivent la clôture des débats.
– la réouverture des débats qui s’en est suivie n’aura été qu’un stratagème pour couvrir le non respect des prescrits de l’article 80 du Code de procédure pénale à l’issue de l’audience du 24 juin 2003.
2. Du point de vue du fond :
– aucune justification n’a été entendue sur le fait que les témoins à charge régulièrement sommés n’ont jamais comparu. Cet agissement viole les prescrits de l’article 78 du Code de procédure pénale qui autorise le juge à condamner sans réserve à un mois de servitude pénale et à une amende ou à une de ces peines seulement ces deux témoins défaillants. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait jusqu’à ce jour ne serait-ce que pour susciter plus de respect aux pouvoirs que lui confère la loi ?
– aucune preuve n’a jusque là été apportée sur les faits mis à charge du prévenu. Les faits restent donc non établis à sa charge.
3. Des droits fondamentaux violés :
Il ressort de ce qui précède que le journaliste Chamira est sans moindre justification privée de sa liberté, ce qui viole la lettre même de l’article 15 in fine de la Constitution de transition.
Compte tenu de tout ce qui précède, JED rappelle et réitère la demande de grâce présidentielle en faveur de Chamira introduite, le 5 mai 2003, via le ministre de la Justice de l’époque, M. Ngele Masudi, à l’occasion de la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse, par une délégation des responsables des principaux journaux paraissant à Kinshasa et par JED, ne serait-ce que pour des raison humanitaire. En effet, durant sa longue détention, l’épouse du journaliste est décédée et ses enfants en bas âge se trouvent ainsi abandonnés à leur triste sort.
POUR JOURNALISTE EN DANGER (JED)
Tshivis T. Tshivuadi
Secrétaire général
D. M’Baya Tshimanga
Président