(RSF/IFEX) – Une équipe de Reporters sans frontières s’est présentée, le 7 avril 2006, au siège de Yahoo!, en Californie, pour montrer des vidéos dans lesquelles le frère de Li Zhi et l’avocat de Shi Tao dénoncent la collaboration de la société américaine avec la police chinoise. Les militants de l’organisation ont d’abord approché des […]
(RSF/IFEX) – Une équipe de Reporters sans frontières s’est présentée, le 7 avril 2006, au siège de Yahoo!, en Californie, pour montrer des vidéos dans lesquelles le frère de Li Zhi et l’avocat de Shi Tao dénoncent la collaboration de la société américaine avec la police chinoise. Les militants de l’organisation ont d’abord approché des employés de Yahoo! à la sortie des bureaux pour leur faire visionner ces documents. Ils ont ensuite tenté de rencontrer les dirigeants de Yahoo!. Ces derniers ont tout d’abord refusé, menaçant même d’appeler la police, puis ont finalement accepté d’organiser un rendez-vous le 10 avril.
Reporters sans frontières attend de Yahoo! qu’elle cesse de collaborer avec les autorités chinoises à l’arrestation de militants et de journalistes, que ce soit par le biais de sa filiale en Chine ou au travers d’un partenaire local. L’organisation demande à cette entreprise de ne plus opérer de service de courrier électronique sur le territoire chinois et par conséquent de rapatrier ses serveurs sur le sol américain. Ainsi, toute demande d’information émise par la police chinoise concernant l’un de ses clients devra être approuvée par la justice américaine.
Les deux vidéos, tournées en Chine, sont disponibles sur le site de Reporters sans frontières. Dans la première, le frère de Li Zhi dénonce le rôle joué par Yahoo! dans sa condamnation: « Li Zhi est en prison à cause de vous. (. . .) Il souffrait déjà d’hépatite, il est désormais atteint de pleurésie en raison des mauvaises conditions de travail en prison. (. . .) Notre famille est brisée. (. . .) Je suis pourtant convaincu qu’il est innocent. (. . .) Tout cela est arrivé à cause de votre entreprise (. . .) et j’espère qu’à l’avenir vous écouterez votre conscience avant de faire ce genre de chose. »
Dans la deuxième vidéo, l’avocat de Shi Tao, Mo Shaoping, affirme que Yahoo! est impliquée dans de nombreuses affaires similaires: « J’ai des noms, mais je ne peux pas encore les révéler. (. . .) Je pense que Yahoo! a la possibilité de refuser cette collaboration, si elle reconnaît qu’il y a une contradiction entre la loi locale et les normes internationales en matière de droits de l’homme. »
En février 2006, Reporters sans frontières avait envoyé à Yahoo! la liste des 80 cyberdissidents et journalistes emprisonnés en Chine, lui demandant d’indiquer si elle était impliquée dans leur arrestation. L’entreprise n’a pas répondu.
Ces deux vidéos, ainsi que des images de l’action de Reporters sans frontières devant le siège de Yahoo!, ont été diffusées pour la première fois, le 13 avril, dans l’émission « World news tonight » de la chaîne américaine ABC. Elles apparaîtront également dans un reportage de la chaîne franco-allemande Arte, le 19 avril au soir, ainsi que dans un documentaire de la télévision néerlandaise VPRO, le 7 mai.
Cette opération intervient une dizaine de jours avant la visite aux Etats-Unis du président chinois Hu Jintao. L’organisation espère que la question de la liberté d’expression sur Internet sera abordée par les officiels américains et que cette rencontre diplomatique sera marquée par la libération de journalistes et de cyberdissidents, notamment de Li Zhi et de Shi Tao.
Reporters sans frontières rappelle par ailleurs son soutien à la proposition de loi introduite en février 2005 par le député Christopher Smith à la Chambre des représentants, le Global Online Freedom Act, qui vise à réguler l’activité des entreprises du secteur de l’Internet dans les pays répressifs.
Li Zhi, ancien fonctionnaire, a été condamné en décembre 2003 à huit ans de prison pour une utilisation « subversive » d’Internet. Son dossier d’accusation mentionne notamment la publication sur Internet d’un article intitulé « Pourquoi la Chine est en retard? ». Reporters sans frontières a obtenu une copie de son verdict, qui fait état de la collaboration de Yahoo! avec la justice chinoise.
Le journaliste Shi Tao a été condamné en avril 2005 à dix ans de prison pour « divulgation illégale de secrets d’Etat à l’étranger ». Il aurait en effet diffusé, sur des sites basés à l’étranger, une note interne transmise à sa rédaction par les autorités qui mettait en garde les journalistes contre les dangers d’une déstabilisation sociale et les risques liés au retour de certains dissidents à l’occasion du quinzième anniversaire du massacre de la place Tiananmen. Son verdict indique que Yahoo! a transmis à la police des informations le compromettant.
Les deux hommes utilisaient la version chinoise du service d’e-mail de Yahoo!.