(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est consternée par les récentes initiatives du gouvernement qui visent à censurer et à imposer l’autocensure sur la situation sécuritaire dans le pays et la présence de forces militaires étrangères. Les services secrets ont d’abord convoqué des directeurs de médias pour leur dicter la conduite à tenir, avant qu’une liste […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est consternée par les récentes initiatives du gouvernement qui visent à censurer et à imposer l’autocensure sur la situation sécuritaire dans le pays et la présence de forces militaires étrangères. Les services secrets ont d’abord convoqué des directeurs de médias pour leur dicter la conduite à tenir, avant qu’une liste de sujets interdits soit envoyée aux principales rédactions.
« Les médias ont un rôle à jouer pour promouvoir la paix, et il est absolument scandaleux que les autorités afghanes fassent pression de la sorte sur la presse privée pour lui dicter ce qu’il faut écrire ou dire. Critiquer les autorités ou les forces de la Coalition est un droit et ne peut, en aucun cas, être considéré comme une apologie du terrorisme, a déclaré Reporters sans frontières. Nous demandons au président Hamid Karzaï de faire annuler officiellement la liste des sujets interdits et de s’assurer que les services secrets n’interféreront plus dans le contenu des médias ».
« Ce n’est pas en censurant la presse que le gouvernement afghan va résoudre les problèmes sécuritaires dans le pays », a conclu l’organisation.
Le 12 juin 2006, des responsables d’une dizaine de médias afghans, notamment « Kabul Weekly », Kilid, Sibat ou Tolo TV, ont été convoqués par un officier des services secrets afghans (National Security Directorate -NSD), Hassan Fakhri, dans les locaux de la NSD, à Kaboul. Après des commentaires généraux sur le rôle des médias, Hassan Fakhri a distribué un document signé d’Amrullah Saleh, directeur des services secrets, qui liste une série d’interdits et de restrictions imposés aux professionnels de l’information. Hassan Fakhri a précisé que ce document ne devait pas être copié ou distribué.
Les représentants des médias ont dénoncé ce document comme contraire à la Constitution et refusé de le prendre. Face à cette décision, les services secrets ont distribué une nouvelle version de ce document, le 18 juin, dans les principales rédactions.
Ce texte dont Reporters sans frontières a obtenu une copie, est un catalogue de sujets interdits et de restrictions imposées aux médias afghans, plus particulièrement sur la situation sécuritaire. Cette directive pourrait faire suite à un conseil spécial de sécurité, dirigé le 29 mai par Hamid Karzaï, suite à des émeutes anti-étrangères à Kaboul. Le chef de l’Etat avait souhaité rappeler que les médias ne devaient pas mettre en danger les intérêts nationaux.
Tout d’abord, les médias se voient interdire de publier des « interviews ou des rapports . . . contraires à la présence en Afghanistan des forces de la Coalition internationale et de l’ISAF. » Les autorités demandent notamment aux journalistes de « ne pas interviewer ou filmer de taliban », de « ne pas lire de communiqués d’organisations armées », « ne pas démoraliser l’armée », « ne pas appeler les moudjahidins des chefs de guerre », ou encore de « ne pas publier de propos contraires à la politique étrangère du gouvernement. » En plus d’interdire, le document élaboré par les services secrets demande la collaboration des médias pour « montrer le vrai visage des terroristes », « promouvoir l’esprit de résistance et la bravoure des forces armées dans la capitale et plus particulièrement dans les provinces frontalières. »
En réaction aux critiques des médias, le porte-parole du président Hamid Karzaï a déclaré, le 19 juin, que le gouvernement n’avait aucune intention de censurer les médias, mais seulement de « prévenir la glorification du terrorisme. »
L’Association des journalistes afghans indépendants organise le 21 juin une mobilisation contre cette directive. Son président, Rahimullah Samander, a expliqué à Reporters sans frontières que la Constitution et la loi sur les médias ne permettaient pas d’imposer une telle censure. « Les journalistes afghans couvrent très bien et sans sensationnalisme les événements récents, à Kaboul et dans le reste du pays », a-t-il déclaré.