(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières demande au gouvernement intérimaire, et plus particulièrement au Premier ministre Surayud Chulanont, de ne pas répéter les erreurs commises dans le passé en matière de censure, et notamment de contrôle des chaînes de télévision. L’organisation souhaite d’une part que le gouvernement n’ait pas recours à la censure concernant la chaîne […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières demande au gouvernement intérimaire, et plus particulièrement au Premier ministre Surayud Chulanont, de ne pas répéter les erreurs commises dans le passé en matière de censure, et notamment de contrôle des chaînes de télévision. L’organisation souhaite d’une part que le gouvernement n’ait pas recours à la censure concernant la chaîne de télévision satellite People’s Television (PTV), et d’autre part que la chaîne iTV ne passe pas sous contrôle étatique et recouvre son indépendance.
« Lorsqu’elle a pris le pouvoir, le 19 septembre 2006, la junte militaire rejetait la politique menée par l’ancien chef du gouvernement Thaksin Shinawatra. Il est regrettable qu’à ce jour, le gouvernement intérimaire n’ait pas engagé une politique de libéralisation dans ce domaine et répète les mêmes erreurs que Thaksin Shinawatra qui avait tenté de supprimer les voix divergentes. Quelles que soient les affiliations et orientations des médias, il est nécessaire d’assurer aux citoyens l’accès à des sources d’information plurielles afin que chacun puisse se former sa propre opinion », a affirmé l’organisation.
A partir du 1er mars 2007, la chaîne PTV, affiliée au parti Thai Rak Thai (lié à Thaksin), devait être diffusée 24 heures sur 24 par satellite depuis Hong Kong. Le gouvernement intérimaire a annoncé qu’il empêcherait ce lancement, dès la première journée, accusant la chaîne de ne pas avoir obtenu de licence préalable. Ainsi, le Conseil de sécurité nationale (CNS, junte militaire) a assigné une équipe de juristes spécialement affectée à empêcher le lancement de PTV. Ils menacent d’en poursuivre en justice les promoteurs.
Une source proche du CNS a affirmé que le gouvernement craignait que cette nouvelle chaîne ne crée des divisions dans le pays et qu’il serait très difficile de l’empêcher d’émettre une fois la diffusion entamée. Le ministre Thirapat Serirangsan, conseiller du Premier ministre, a déclaré que Thaksin Shinawatra avait « laissé les médias bourgeonner dans le pays », ce qui, aux yeux du gouvernement, était une erreur à éviter à présent.
Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire, 300 radios et des sites Internet ont été censurés. A cela s’ajoute une demande formulée à toute la presse de bien vouloir « co-opérer » avec le gouvernement et de ne pas agir en « dissident », ce qui ne ferait qu’induire une « confusion générale » néfaste pour les citoyens.
Reporters sans frontières condamne également les poursuites en justice engagées contre la chaîne iTV ainsi que l’amende record de 100,45 milliards de bahts (environ 2 milliards d’euros) réclamée au canal. Première chaîne indépendante en Thaïlande, iTV avait obtenu une concession de trente ans lors de sa création en 1995. Elle s’est distinguée par une ligne éditoriale libre, protégée par le fait qu’un actionnaire ne peut contrôler plus de 10% du capital.
En 1997, la chaîne a frôlé la faillite et Shin Corporation, propriété de Thaksin Shinawatra, en a profité pour devenir le principal actionnaire avec 53%. Dès lors, l’indépendance d’iTV a été mise à mal et le journalisme d’investigation a été remplacé par du divertissement. En 2004, il a été décidé que les frais de concession seraient réduits d’un milliard de bahts (environ 23 millions euros) par an à 230 millions de bahts (environ 5 millions euros) par an et que la chaîne pourrait diffuser davantage de programmes de divertissement. Tout cela au bénéfice de l’entreprise de la famille du chef du gouvernement. Avant l’arrivée de la junte, Shin Corporation et iTV ont été rachetées par Temasek Holdings, un groupe financier singapourien.
Aujourd’hui, le gouvernement de Bangkok poursuit la chaîne en justice pour non paiement des frais de concession depuis le 1er avril 2004, rejetant l’arbitrage de l’époque. Une cour a ainsi condamné la chaîne à payer 100,45 milliards de bahts d’amende et de dédommagements, avant le 6 mars 2007. Le gouvernement a déclaré que si cette somme ne lui était pas versée avant la date butoir, iTV passerait sous contrôle étatique.