(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est alarmée par la multiplication des violences exercées contre les journalistes par les partisans des deux principaux candidats à l’élection présidentielle en Sierra Leone, dont le deuxième tour doit se tenir le 8 septembre 2007. En l’espace de deux mois, de nombreux incidents violents impliquant des militants du Sierra Leone […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est alarmée par la multiplication des violences exercées contre les journalistes par les partisans des deux principaux candidats à l’élection présidentielle en Sierra Leone, dont le deuxième tour doit se tenir le 8 septembre 2007. En l’espace de deux mois, de nombreux incidents violents impliquant des militants du Sierra Leone People’s Party (SLPP, au pouvoir) et du All People’s Congress (APC) ont été répertoriés.
« L’approche du second tour de l’élection présidentielle devrait être un moment de recul pour tous les médias. Le journalisme de clivage qui prévaut dans le pays a malheureusement conduit à des violences et expose au danger les professionnels de tous bords, et d’abord ceux qui refusent de se plier au diktat d’un parti. Nous en appelons solennellement à tous les militants des partis politiques sierra-leonais, pour qu’ils démontrent, à la veille du scrutin, que leur victoire ne serait pas le commencement d’un déchaînement de violence vengeresse », a déclaré l’organisation.
Conséquence des accusations de « truquage » de l’élection par l’ONU et les pays occidentaux portées par certains médias pro-SLPP, plusieurs agressions de journalistes étrangers ont eu lieu lors de la période électorale. A titre d’exemple, le 31 août 2007, Rob Mackie, un journaliste de nationalité canadienne collaborant à l’agence Associated Press (AP), a été brutalisé par des militants du SLPP, alors qu’il filmait les candidats de l’APC, Earnest Bai Koroma, et du People’s Movement for Democratic Change (PMDC), Charles Francis Marghai, à Kenema (Sud-Est), la troisième ville du pays. Sa caméra a été détruite et il a dû être hospitalisé. Quelques semaines plus tôt, la correspondante de l’agence britannique Reuters, Katrina Manson, avait été expulsée du quartier général du SLPP par des militants en colère, alors qu’elle allait interviewer le secrétaire général du parti, Jacob Jusu Saffa.
Les deux radios appartenant aux partis en lice pour le deuxième tour ont particulièrement attisé le climat hostile entre les militants politiques d’une part, et la communauté internationale d’autre part. La Commission indépendante des médias, organe de régulation des médias sierra-leonais, a demandé début septembre à ces deux médias de « baisser le ton » de manière à calmer les esprits à l’approche du scrutin.
Les médias partisans n’ont d’ailleurs pas été épargnés par le climat d’hostilité et la violence politique. Entre le 26 août et le 1er septembre, le personnel de l’hebdomadaire privé « Unity », appartenant au SLPP, a été la cible de menaces de mort répétées. Le directeur des relations publiques du SLPP, Victor Reider, a affirmé que les journalistes recevaient des menaces et des insultes par SMS provenant de personnes se réclamant de l’APC. De manière similaire, le personnel de l’hebdomadaire et de la radio privés We Yone, appartenant à l’APC, a été menacé par le même moyen, selon Dennis Ayodele Smith, le directeur de la station. De même, le soir du premier tour, le 11 août, les locaux de l’hebdomadaire privé « Awareness Times », un journal pro-SLPP accusé d’avoir publié des articles incendiaires contre l’opposition et la mission locale de l’ONU, ont été attaqués par des militants de l’APC, après que la rumeur s’était répandue dans Freetown que la directrice de la publication cachait des urnes dans les locaux de son groupe de presse.
Mais la tension rejaillit surtout sur les journaux indépendants, pris sous le feu de la joute oratoire entre les rivaux à la magistrature suprême. Plusieurs journalistes se cachent dans le pays, tandis que d’autres ont préféré l’exil. Le 18 août, Olu R. Awoonor Gordon, rédacteur en chef de l’hebdomadaire privé « Peep! Magazine », a reçu un appel téléphonique anonyme lui promettant qu’il allait devenir de la « viande morte ». L’appel avait été passé par le numéro de téléphone mobile suivant: +232 (0)76 314 613. Ces menaces intervenaient après que le journaliste avait porté plainte pour « diffamation » contre l’hebdomadaire progouvernemental « Concord Times ». Ce dernier avait rapporté des accusations de conjuration en vue de provoquer des violences, proférées contre lui par deux cadres du SLPP. Au même moment, Tatafway Tunoe, rédacteur en chef de l’hebdomadaire privé « African Champion », a pour sa part été brutalisé par les gardes du corps d’un chef traditionnel de Koidu (Est), A.M. Kamanda, soutien du SLPP. Ses adjoints, Idrissa Sillah et Mohamed Koroma, ont été régulièrement menacés de mort par des appels téléphoniques anonymes.
Les rues sont également devenues dangereuses pour les journalistes couvrant les activités électorales. Le 27 août, le journaliste de l’antenne locale de la station privée Talking Drum Studio-Sierra Leone (TDS-SL), à Koidu, Ansu Moigua, a été frappé à coups de bâton par des militants du SLPP, après qu’il avait photographié une affiche de l’APC qu’un groupe de jeunes hommes, portant des T-shirts de soutien à Solomon Berewa, venaient de déchirer. Cet incident est le dernier d’une liste de plusieurs accrochages inquiétants. Deux jours avant le premier tour, le 6 août, Hashim Tejan, journaliste free-lance, avait déjà été molesté dans les rues de Freetown, parce qu’il portait un T-Shirt rouge, la couleur du candidat de l’APC.