(CPJ/IFEX) – Ci-dessous, une lettre du CPJ datée du 20 juin 2008, adressée au ministre de la Justice et des Droits de l’Homme de la RDC, Symphorien Mutombo Bakafua Nsenda: Le 20 juin 2008 Son Excellence Symphorien Mutombo Bakafua Nsenda Ministre de la Justice et des Droits Humains de la République démocratique du Congo c/o […]
(CPJ/IFEX) – Ci-dessous, une lettre du CPJ datée du 20 juin 2008, adressée au ministre de la Justice et des Droits de l’Homme de la RDC, Symphorien Mutombo Bakafua Nsenda:
Le 20 juin 2008
Son Excellence Symphorien Mutombo Bakafua Nsenda
Ministre de la Justice et des Droits Humains de la République démocratique du Congo
c/o Ambassade de la RDC aux États-Unis d’Amérique
1800 New Hampshire Ave.
NW Washington, D.C. 20009
Fax: +202 234-2609
Cher M. Nsenda,
Nous sommes profondément alarmés par le maintien en prison du directeur d’un journal, Nsimba Ponte, et de son adjoint, Davin Tondo, qui n’ont été inculpés que le 6 juin dernier après près de trois mois de détention au secret par l’Agence nationale de renseignements (ANR). Nous sommes d’autant plus préoccupés suite au refus d’un juge d’instruction cette semaine de leur accorder la liberté provisoire alors que M. Ponte est dans un mauvais état de santé, selon les informations recueillies par le CPJ. Un procureur de la République avait pourtant déclaré au cours de la même audience que la détention des deux hommes était « illégale ».
M. Ponte et M. Tondo ont été détenus à l’ANR après leurs arrestations par des agents de sécurité en civil, respectivement le 7 et le 29 mars dernier, selon des journalistes locaux. Les deux hommes ont été enfermés au secret pendant plusieurs semaines sans inculpation ni accès à un avocat, en violation de leurs droits constitutionnels fondamentaux.
Nous sommes préoccupés par la santé de M. Ponte. Un diagnostique effectué le 9 juin par un médecin du Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa a révélé qu’il a des symptômes de méningite et des ulcères d’estomac nécessitant des soins médicaux spécialisés, selon un certificat médical officiel obtenu par le CPJ. M. Ponte, âgé de 57 ans, a déclaré qu’il souffrait de maux de tête et qu’il s’était évanoui à deux reprises durant sa garde à vue. S’adressant au CPJ par téléphone depuis la prison cette semaine, M. Ponte a dit qu’il était détenu dans une cellule avec environ 20 autres prisonniers de droit commun.
M. Ponte, directeur de publication du bihebdomadaire L’interprète et son assistant, M. Tondo, ont été formellement inculpés le 6 juin dernier de colportage de faux bruits, d’atteinte à la sécurité de l’État, et d’offense au chef de l’État en rapport avec une série d’articles politiques, selon l’avocat de la défense, Godefroid Kabongo. Le 30 novembre 2006, l’édition de L’interprète contenait des articles critiquant le leadership du président Joseph Kabila tandis que plusieurs articles de l’édition du 29 février commentaient sur l’état de santé de Kabila, selon des recherches du CPJ.
En tant qu’organisation indépendante, à but non lucratif, dévouée à soutenir nos collègues dans le monde entier, nous vous appelons à user du mandat de votre ministère en faveur de la règle de droit et du respect des droits fondamentaux de l’Homme afin de veiller à ce que ces deux hommes aient accès à des soins médicaux adéquats et à un processus judiciaire juste et transparent. Nous croyons que le maintien de ces journalistes en détention dans de telles circonstances compromet l’engagement du gouvernement congolais à la réforme judiciaire.
Un rapport d’évaluation des droits de l’Homme, publié par la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo, a déclaré que la « violation du délai constitutionnel de garde à vue de 48 heures est systématique ». Au rappel, en 2005 et 2006 par exemple, les directeurs de publication Jean-Marie Kanku de L’Alerte et Patrice Booto du Journal et Pool Malebo avaient également été enlevés par des agents de sécurité à Kinshasa, détenus au secret pendant des jours et des semaines, avant d’être inculpés sur la base d’articles critiques à l’égard du gouvernement congolais, selon des recherches du CPJ. Nous vous exhortons donc à user de votre influence pour mettre un terme à une vieille tendance à l’arrestation arbitraire et à la détention extrajudiciaire de journalistes politiques en RDC.
Plus récemment, en janvier dernier, le journaliste Maurice Kayombo du mensuel de Kinshasa Les Grands Enjeux a passé 34 jours en prison sur des chefs d’inculpations pénales liés à son enquête sur des allégations de corruption autour d’un fonctionnaire du ministère des mines. Un tribunal a finalement acquitté Kayombo de toutes les accusations contre lui.
Nous vous demandons de mettre un terme à l’emprisonnement arbitraire et aux poursuites pénales de journalistes critiques et d’oeuvrer à mettre fin à l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes qui sont des responsables du gouvernement et les forces de sécurité. Ces pratiques vont à l’encontre de la transition du pays vers la démocratie.
Merci de l’attention que vous portez à cette question urgente. Nous attendons votre réponse.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments distingués.
Joël Simon
Directeur exécutif
Le CPJ est une organisation indépendante à but non lucratif, dévouée à la défense de la liberté de la presse dans le monde entier. Pour plus d’informations, http://www.cpj.org
ACTION RECOMMANDÉE:
Veuillez envoyer des lettres similaires à:
Son Excellence Symphorien Mutombo Bakafua Nsenda
Ministre de la Justice et des Droits Humains de la République démocratique du Congo
c/o Ambassade de la RDC aux États-Unis d’Amérique
1800 New Hampshire Ave.
NW Washington, D.C. 20009
Fax: 1 202 234 2609
Envoyer des copies de vos protestations à l’initiateur si possible.