Cette nouvelle sanction arbitraire jette encore un peu plus le discrédit sur un organe de régulation qui s’obstine dans sa politique répressive des médias.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 6 août 2019.
La HAC rechute, et la liberté de la presse est malade au Gabon. Alors que RSF dénonce depuis plus d’un an les suspensions abusives de médias par la Haute autorité de la communication (HAC), l’organe de régulation des médias a suspendu le site en ligne Gabon Média Time pour un mois. En cause, un article publié le 31 juillet et intitulé : “Gabon: une fillette de 2 ans renvoyée à la maison faute de lit à l’Institut de cancérologie”. Il soulevait notamment le manque de place dans certaines institutions hospitalières du pays, problème qualifié comme une “véritable épine sous le pied du gouvernement”. Dans sa décision du 1er août le régulateur dénonce “des insinuations malveillantes, suspicieuses et tendancieuses” qui contreviennent à “l’éthique et à la déontologie” du journalisme.
Contacté par RSF, le rédacteur en chef du site d’information qui revendique plus de 40 000 visiteurs uniques chaque jour, Morel Mondjo Mouega “prend acte de la décision” mais regrette “une sanction dure au regard du sujet évoqué, qui a fait l’objet de vérifications auprès de la famille”. Il a indiqué que le média allait effectuer “un recours auprès de la HAC pour revoir la sanction à la baisse”, avant de déplorer la “mise au chômage technique d’une dizaine de collaborateurs et une perte de revenus” pour son média.
“Une fois de plus cet organe de régulation apparaît comme une machine à sanctions, piochant dans l’arsenal législatif vague, imprécis et liberticide des textes qui encadrent l’exercice du journalisme au Gabon pour servir les intérêts du pouvoir et empêcher toutes critiques légitimes sur des sujets d’intérêt général, déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Cette politique de sanctions systématiques génère de l’autocensure, met en difficulté économique de nombreux médias et contribue à détériorer l’image du pays. Si les autorités gabonaises sont encore attachées à la liberté de la presse, elles n’auront d’autres choix que de réformer en profondeur les textes qui l’encadrent et l’organe censé en assurer la défense”.
Cette suspension arbitraire vient s’ajouter à la douzaine recensée par RSF depuis la création de la HAC par ordonnance en février 2018, une vague de sanctions sans précédent qui avait déjà conduit RSF à demander une réforme de la HAC, véritable “bourreau des médias gabonais”.
Le 16 juillet, un journaliste et consultant sportif pour RFI, Freddhy Koula, a écopé d’une interdiction d’exercer son métier pendant 6 mois pour avoir rapporté sur sa page Facebook personnelle les témoignages de joueuses de l’équipe de foot féminine gabonaise de moins de 20 ans dénonçant leurs conditions d’hébergement et accusant certains de leurs dirigeants de viols et d’agressions sexuelles. La HAC a expressément interdit aux médias émettant au Gabon de collaborer avec ce journaliste qui vit en France et de veiller à l’application de cette décision sans même attendre les conclusions d’une enquête demandée sur cette affaire par le ministre de Sports de l’époque.
La semaine suivante, pas moins de 30 médias en ligne ont été suspendus par l’autorité pour absence de conformité administrative et juridique, et ce, jusqu’à régularisation de leur situation.
Le Gabon occupe la 115e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.