RSF appelle les autorités à se soucier du sort de leurs journalistes (plus de 200), et à mettre en place des règles d'éthique et de déontologie pour les médias soudanais, plutôt que d’ordonner leur fermeture.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 10 janvier 2020.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce les méthodes des nouvelles autorités soudanaises, qui ont fermé brutalement quatre médias proches de l’ancien régime d’Omar El Béchir. L’organisation appelle les autorités à se soucier du sort de leurs journalistes (plus de 200), et à mettre en place des règles d’éthique et de déontologie pour les médias soudanais, plutôt que d’ordonner leur fermeture. Jusqu’à présent, le renversement d’Omar El Béchir et la mise en place d’un gouvernement de transition dirigé par un civil avait eu des conséquences positives, en faisant drastiquement baisser le nombre d’arrestations de journalistes et de suspensions de journaux.
Le 8 janvier, la police a envahi les locaux de quatre médias privés, deux chaînes de télévision et deux journaux : Ashorooq TV, Taiba TV, et les journaux Alray Alamet et El Sudani. Tous étaient affiliés au gouvernement déchu d’Omar el Béchir. Selon le comité qui a ordonné leur fermeture, il s’agit de contrôler leur comptes bancaires, afin de vérifier s’ils sont toujours financés par des membres de l’ancien régime.
“Le démantèlement de l’ancien parti au pouvoir ne doit pas conduire à une “chasse aux sorcières” et à la fermeture brutale de certains médias, dénonce RSF. S’ils disparaissent, ils n’auront pas l’occasion d’apprendre à se conformer aux bonnes pratiques d’éthique et de déontologie journalistiques, ou de participer à la refonte du paysage médiatique soudanais et à l’émergence d’un journalisme de qualité, respectueux de la pluralité des opinions.”
Malgré la chute d’Omar El Bechir, de nombreux médias sont restés sous le contrôle de représentants de l’ancien régime. La “Cyber Jihadists Unit”, (unité de cyber-djihadistes), une armée de trolls créée par les services de renseignements soudanais pendant les printemps arabes pour intervenir dans le flux de l’information en ligne, reste par ailleurs très active : elle infiltre et surveille internet, répand de fausses informations et tente de faire de la propagande.
La fermeture des quatre médias s’inscrit donc dans une stratégie plus large de démantèlement du National Congress Party anciennement au pouvoir, et des institutions qui lui sont affiliées.
En décembre 2019, des centaines de journalistes avaient manifesté à Khartoum pour protester contre le maintien du contrôle des médias par des forces de l’ancien régime. Les manifestants réclamaient notamment le départ des responsables de la SRTC et des agents de renseignements infiltrés dans certaines rédactions.
Le Soudan qui occupe toujours la 175e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.