Au moment des faits, le site du journal 'Correio Angolense' venait de publier un article sur le chef de cabinet du président de la république récemment impliqué dans une affaire de détournements de fonds publics.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 21 février 2018.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce les cyberattaques visant un journal en ligne et un journaliste intervenues peu après qu’ils ont relayé des informations sur une affaire impliquant le bras droit du Président. RSF demande l’ouverture d’une enquête pour identifier et sanctionner les auteurs.
Vendredi 25 septembre, plusieurs milliers d’utilisateurs se sont connectés sur Correio Angolense, l’un des sites d’information indépendant les plus réputés d’Angola. Ce trafic inhabituel a provoqué l’interruption du site, toujours indisponible à l’heure actuelle. Selon son directeur, Graça Campos, joint par RSF, tout indique qu’il s’agit d’une cyberattaque.
Au moment des faits, le site du journal venait de publier un article sur Edeltrudes Costa, le chef de cabinet du président de la république récemment impliqué dans une affaire de détournements de fonds publics. Ce scandale avait initialement été révélé par la chaîne portugaise Televisão Independente (TVI), selon qui le bras droit du président aurait utilisé plusieurs millions de dollars d’argent public pour les placer dans des paradis fiscaux ou s’acheter des villas de luxe au Portugal, alors même que le président Joao Lourenço a fait de la lutte contre la corruption l’un de ses principaux engagements depuis son arrivée au pouvoir en 2017.
Au cours de son enquête, RSF a également appris que son ancien correspondant et journaliste freelance Siona Casimiro, avait lui aussi fait l’objet d’une intrusion dans son ordinateur alors qu’il travaillait sur le même sujet. Joint par notre organisation, il a estimé qu’il n’y avait “aucun doute sur la volonté de faire taire les journalistes au sujet de l’affaire Edeltrudes Costa.”
«Nous sommes vivement préoccupés par ces cyberattaques, inédites depuis l’arrivée au pouvoir du président Lourenço, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Si les autorités angolaises sont sincères et non partisanes dans leur volonté de lutter contre la corruption, elles doivent protéger celles et ceux qui, comme les journalistes, contribuent à ce type de révélations. Laisser ces attaques se multiplier constituerait un grave retour en arrière pour la liberté de la presse en Angola. Nous appelons les autorités à ouvrir une enquête pour identifier et sanctionner les auteurs de ces attaques.”
Figure du journalisme indépendant en Angola, Graça Campos a régulièrement été la cible des autorités. Poursuivi par des personnalités politiques, il a été condamné à plusieurs reprises et avait même passé quelques semaines prison en 2007 comme l’avait dénoncé RSF à l’époque.
Le scandale impliquant le plus proche collaborateur du président est un sujet hautement sensible en Angola et certains médias ont délibérément choisi de ne plus en parler. Le journaliste économique Carlos Rosado a ainsi annoncé avoir mis fin à sa collaboration avec Zimbo TV après que sa proposition de chronique sur cette affaire a été refusée et avoir été exclu des invités programmés par Palanca TVpour un débat sur le climat des affaires en Angola.
L’Angola occupe actuellement la 106e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF chaque année.