Le site d'information indien Newsclick, récemment remarqué pour sa couverture des manifestations paysannes à New Delhi, a été la cible de perquisitions liées à des accusations de blanchiment d’argent
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 12 février 2021.
Le site d’information indien Newsclick, récemment remarqué pour sa couverture des manifestations paysannes à New Delhi, a été la cible de perquisitions liées à des accusations de blanchiment d’argent. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une manœuvre politique visant à intimider Newsclick et l’ensemble des médias indépendants et demande l’abandon des charges portées contre le site.
Perquisitions en série, saisie de matériel, interdiction de sortie… A 10 heures, ce mardi 9 février, les fonctionnaires de l’Enforcement Directorate, l’agence fédérale chargée de lutter contre les crimes économiques, ont débarqué dans les locaux du média indépendant Newsclick, situé dans le sud de Delhi. Ils y sont restés plus de 36 heures et ont saisi du matériel de communication indispensable au bon fonctionnement de la rédaction.
En parallèle, d’autres perquisitions ont eu lieu aux domiciles de plusieurs de ses cadres dont le rédacteur en chef, Prabir Purkayastha, son collègue, Pranjal Pandey, ainsi que le chef des ressources humaines, Amit Chakravarty. Quatre jours plus tard, les perquisitions sont toujours en cours chez le rédacteur en chef et l’auteure Githa Hariharan, qui n’ont toujours pas été autorisés à sortir de chez eux.
Les raisons invoquées pour justifier ces mesures sont pour le moins floues. Aucune explication claire n’a été donnée aux dirigeants du portail d’information, qui ont dû se contenter des déclarations de certains agents de l’Enforcement Directorate dans la presse indienne. Lors de la perquisition, l’un d’eux, sous couvert d’anonymat, a déclaré à Newslaundry qu’il ne s’agissait que d’un “contrôle de routine”. D’autres fonctionnaires évoquent en revanche des soupçons de blanchiment d’argent liés à des financements étrangers et une plainte déposée par l’agence fédérale le mois dernier.
Discréditer leur journal
Rejetant ces accusations, la rédaction de Newsclick a dénoncé, dans un communiqué, une “diffusion sélective d’informations trompeuses” qui n’est “rien d’autre qu’une tentative malveillante visant à entacher l’image de Newsclick et à discréditer leur journalisme”. La rédaction a assuré sa pleine coopération avec les autorités et affirmé “n’avoir rien à cacher”.
“Cette série de perquisitions sous un faux prétexte de blanchiment d’argent est intolérable, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Elles constituent une grave atteinte au secret des sources et à la liberté de la presse, pourtant garantis par la législation indienne, et empêchent la rédaction d’exercer ses activités dans des conditions de travail normales. Nous demandons aux autorités d’abandonner les procédures abusives engagées par l’Enforcement Directorate contre Newsclick et exhortons le gouvernement à cesser d’utiliser les agences fédérales comme des outils de répression contre les voix critiques à son égard.”
Le site d’information Newsclick a récemment été remarqué pour sa couverture des manifestations paysannes qui ont lieu dans la banlieue de New Delhi depuis quelques mois. La semaine dernière, RSF a dénoncé les entraves répétées que font subir les autorités aux journalistes qui couvrent ce mouvement de protestation.
Il y a trois jours, le ministère de l’Electronique et de l’Information indien a ordonné le blocage de plus de 1 100 comptes Twitter liés aux manifestations paysannes dont beaucoup appartiennent à des journalistes et des médias comme The Caravan. Une mesure que le réseau social a refusé d’appliquer.
L’Inde occupe la 142e position sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2020 par RSF.