Interpellé pour avoir révélé des faits de corruption impliquant deux dirigeants locaux, le journaliste Phan Bui Bao Thy, qui travaille pour un magazine d’Etat, risque sept ans de prison.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 15 février 2021.
Interpellé pour avoir révélé des faits de corruption impliquant deux dirigeants locaux, le journaliste Phan Bui Bao Thy, qui travaille pour un magazine d’Etat, risque sept ans de prison. Notant qu’il a agit dans un esprit d’intérêt général, Reporters sans frontières (RSF) exige sa libération immédiate et inconditionnelle.
Il risque une peine de sept ans de détention pour avoir “abusé de ses libertés démocratiques”. Phan Bui Bao Thy, directeur de bureau du magazine d’Etat Giao Duc va Thoi Dai (“Âge et éducation”) dans la province de Quang Tri (centre du Vietnam), a été formellement accusé, le 10 février dernier, d’avoir violé l’article 331 du code pénal, qui punit les journalistes qui “abusent de leur liberté de la presse”. Il avait préalablement été interpellé le 5 février pour interrogatoire.
Il lui est notamment reproché d’animer plusieurs comptes Facebook comme la page Quang Tri 357, consacrée à des publications sur les monuments historiques. Phan Bui Bao Thy y aurait publié plusieurs articles révélant des cas de corruption impliquant le vice-ministre de la Culture, du Tourisme et des Sports, originaire de Quang Tri, Nguyen Van Hung, et le président de la province, Vo Van Hung.
Selon la presse officielle, le journaliste sera maintenu en détention durant les deux prochains mois pour interrogatoire. La police, qui a mené des perquisitions à son domicile, affirme avoir saisi de nombreuses données liées aux activités du reporter sur Internet.
Carcan
“Nous demandons la libération immédiate de Phan Bui Bao Thy, qui n’a fait que son travail dans un esprit d’intérêt général, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Son sort illustre le carcan dans lequel sont enfermés les journalistes des médias publics au Vietnam, qui sont poursuivis dès qu’ils dévient de la ligne officielle imposée par le département de la propagande du Parti communiste au pouvoir. En cela, les autorités vietnamiennes violent l’article 25 de leur propre constitution.”
L’arrestation de Phan Bui Bao Thy intervient un mois après la condamnation à des peines allant de 11 à 15 ans de prison de trois journalistes indépendants, Pham Chi Dung, Nguyen Tuong Thuy et Le Huu Minh Tuan pour “propagande contre l’État”.
En octobre dernier, c’est la journaliste Pham Doan Trang, prix RSF de l’Impact en 2019, qui a été arrêtée pour le même motif. Elle avait également commencé sa carrière dans la presse officielle, avant de se résoudre à travailler de façon indépendante pour trouver une liberté éditoriale inexistante dans les médias d’Etat. RSF a lancé une pétition pour exiger sa libération, et une campagne autour du mot-dièse #FreePhamDoanTrang.
Le Vietnam se situe à la 175e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.