Les trois journalistes avaient récemment dénoncé les malversations de deux cadres du parti au pouvoir. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à cesser de harceler systématiquement les reporters qui tentent de fournir une information indépendante à leurs concitoyens.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 22 avril 2021.
Les trois journalistes avaient récemment dénoncé les malversations de deux cadres du parti au pouvoir. Reporters sans frontières (RSF) exige leur libération immédiate, et appelle les autorités à cesser de harceler systématiquement les reporters qui tentent de fournir une information indépendante à leurs concitoyens.
Ils auraient “abusé de leurs libertés démocratiques”… C’est sur la base de ce chef d’inculpation que les trois journalistes indépendants Nguyen Thanh Nha, Doan Kien Giang et Nguyen Phuoc Trung Bao ont été arrêtés par la police de Can Tho, dans le sud du Vietnam, mardi 20 avril. Ils risquent sept ans de prison, comme le prévoit l’article 331 du code pénal.
Les trois reporters contribuaient régulièrement à la page d’information Bao Sach (“Le journal propre”), fondée par leur confrère Truong Chau Huu Danh. Ce dernier a été arrêté le 17 décembre 2020, après avoir révélé les pratiques douteuses des autorités dans le système de concession des autoroutes. La page Facebook de Bao Sach est bloquée depuis.
Les trois journalistes arrêtés en début de semaine avaient pour leur part récemment dénoncé une affaire de plagiat de thèse par un cadre du Parti communiste vietnamien (PCV), Bui Van Cong. Ils ont également révélé de nombreuses irrégularités qui ont mené à une condamnation à mort abusive prononcée par la cour suprême – lesquelles irrégularités incriminent le président de l’institution judiciaire, Nguyen Hoa Binh.
Acharnement
Or, ces deux dignitaires viennent d’être nommés à de hautes fonctions au sein de Politburo du PCV, qui a tenu son congrès quinquennal en janvier dernier, ainsi qu’au sein de l’Assemblée nationale, le parlement croupion du pays, dont l’élection des membres à eu lieu le 31 mars.
“Comme c’est désormais la règle au Vietnam, l’appareil répressif du régime s’acharne contre les journalistes qui enquêtent sur les malversations des membres du Parti communiste, au lieu de faire le ménage dans les rangs de celui-ci, déplore Daniel Bastard, le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. L’arrestation de Nguyen Thanh Nha, Doan Kien Giang et Nguyen Phuoc Trung Bao est à ce titre extrêmement choquante. Les journalistes de Bao Sach sont le symbole de l’émergence, dans plusieurs régions du pays, d’une presse qui ne supporte plus de devoir couvrir les magouilles éhontées d’une partie de la classe dirigeante.”
C’est, en effet, en dressant ce constat que Truong Chau Huu Danh, qui avait travaillé pour plusieurs médias d’Etat, a décidé de fonder Bao Sach et de le diffuser sur les réseaux sociaux. Rapidement suivi par près de 100.000 internautes, le média a rapidement été reconnu pour son indépendance, dans un pays où la presse officielle est obligée de recracher la propagande de la direction du PCV.
“Abus des libertés démocratiques”
Le 2 avril, un autre journaliste, qui avait lui aussi fait ses classes dans des journaux d’Etat, Nguyen Hoai Nam, a été interpellé et placé en détention pour trois mois, après avoir publié sur son compte Facebook des articles révélant des pratiques douteuses au sein de l’administration d’Hô-Chi-Minh-Ville.
En février, RSF révélait l’arrestation de Phan Bui Bao Thy, directeur d’un bureau régional du magazine d’Etat Giao Duc va Thoi Dai (“Âge et éducation”). A chaque fois, la police justifie ces interpellations en invoquant le même article 131 du code pénal, qui punit l’“abus des libertés démocratiques” – dont la liberté de la presse, pourtant garantie par l’article 25 de la Constitution.
Le 9 avril, la police de Binh Thuan, dans le sud du pays, ne s’est pas embarrassée d’un mandat pour arrêter le journaliste Nguyen Van Son Trung, membre de l’Association des journalistes indépendants du Vietnam (IJAVN). Il a été interrogé par la police durant cinq jours sans avoir accès à un avocat.
Le Vietnam se situe à la 175ème position du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.