"Nous réitérons notre appel aux autorités camerounaises à mettre fin à cet acharnement judiciaire qui bat de tristes records, prive arbitrairement un journaliste de sa liberté et discrédite l'ensemble des institutions camerounaises impliquées dans cette situation” - RSF
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 19 janvier 2022.
Plus de cinq ans après l’arrestation de l’ancien directeur général de la radiotélévision publique camerounaise et alors qu’il n’a toujours pas été jugé, Reporters sans frontières (RSF) dénonce une procédure ignoble qui s’inscrit en marge des standards les plus élémentaires en matière de justice et de dignité humaine.
C’est déjà le procès le plus long de l’histoire de l’opération épervier, cette politique anti-corruption lancée par les autorités camerounaises en 2006 et depuis régulièrement accusée d’avoir été dévoyée pour se débarrasser des personnalités devenues gênantes pour le pouvoir. A l’exception du traitement ignoble des journalistes en Erythrée, l’une des pires dictatures au monde et bonne dernière au Classement mondial de la liberté de la presse, c’est aussi la procédure de tous les records pour un journaliste africain. Amadou Vamoulké a désormais passé 2000 jours derrière les barreaux sans avoir été jugé malgré 90 audiences et cinq ans et demi de détention provisoire.
Arrêté le 29 juillet 2016, l’ex-directeur général de la Cameroon Radio Television (CRTV) est accusé de détournements de fonds dans deux procédures distinctes ubuesques qui n’ont mis en évidence ni preuve, ni témoin à charge. Dans un courrier adressé le 29 décembre dernier au Secrétaire général des services du Premier ministre chargé notamment du suivi des conventions et traités internationaux signés par le Cameroun, les avocats français et camerounais du journaliste septuagénaire ont demandé sa libération et l’application de la décision rendue par le groupe de travail des nations unies sur la détention arbitraire le 12 juin 2020. Saisi par RSF, ce dernier avait estimé sans ambiguïté que le maintien en détention provisoire d’Amadou Vamoulké n’avait “pas de base légale” et que les violations de son droit à un procès équitable étaient “d’une gravité telle” qu’elle conférait à sa détention un “caractère arbitraire”.
“2000 jours de prison, 90 renvois, derrière ces chiffres qui donnent le vertige se trouve la vie d’un journaliste brisée par cinq ans et demi de détention provisoire dans l’illégalité la plus totale, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Nous réitérons notre appel aux autorités camerounaises à mettre fin à cet acharnement judiciaire qui bat de tristes records, prive arbitrairement un journaliste de sa liberté et discrédite l’ensemble des institutions camerounaises impliquées dans cette situation.”
Dans sa décision, le groupe de travail des Nations unies avait également fait part de ses préoccupations concernant la santé du journaliste qui aura 72 ans en février prochain et qui souffre d’une maladie qualifiée de “sévère” par des experts médicaux. Amadou Vamoulké n’a jamais suivi un protocole médical adapté à sa pathologie et reste très exposé à la pandémie de Covid-19, du fait de son âge, de la fragilité de son état de santé et de la promiscuité liée à son incarcération.
Le Cameroun occupe la 135e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2021.