"Un chef d'État ne doit en aucun cas décider quel média peut couvrir ses activités et de quelle manière, et quelles questions sont acceptables ou non," dénonce le directeur du bureau Asie de l'Est de RSF.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 5 décembre 2022.
Reporters sans frontières (RSF) exprime son inquiétude devant les récentes attaques verbales et les mesures discriminatoires du président sud-coréen Yoon contre le groupe de radio-télévision public MBC, qui menacent le droit à l’information et encouragent le harcèlement de journalistes.
RSF appelle le président sud-coréen Yoon Suk-yeol à revenir sur les mesures discriminatoires prises récemment envers le groupe de médias public Munhwa Broadcasting Corporation (MBC) – accusé par le dirigeant d’être politiquement hostile – et l’engage à rétablir ses réunions quotidiennes avec la presse, suspendues depuis peu pour une durée indéterminée.
Le 22 septembre dernier, MBC a diffusé des images montrant le président Yoon en train de faire des commentaires apparemment désobligeants après sa rencontre avec le président américain Joe Biden en marge d’une réunion de l’Assemblée générale des Nations unies. Quatre jours plus tard, le cabinet du président Yoon reprochait officiellement à la chaîne de “porter gravement atteinte aux intérêts nationaux”. Le 9 novembre, ce même cabinet a interdit l’accès à l’avion présidentiel aux journalistes de MBC ; le 20 novembre, il a installé une cloison devant la salle de presse du palais, empêchant les journalistes de voir les personnes qui s’y rendent ; et le 21 novembre, il a suspendu les points presse quasi quotidiens du président après que ce dernier ait été interrogé sur la mise à l’écart des journalistes de MBC.
“Un chef d’État ne doit en aucun cas décider quel média peut couvrir ses activités et de quelle manière, et quelles questions sont acceptables ou non, dénonce le directeur du bureau Asie de l’Est de RSF, Cédric Alviani. Les journalistes jouent un rôle essentiel dans les démocraties et on ne doit pas leur reprocher de poser des questions difficiles, car celles-ci visent à servir l’intérêt public.”
Des législateurs affiliés au Parti du pouvoir au peuple (People Power Party ou PPP) du président Yoon ont également déposé des plaintes à travers la Commission d’arbitrage de la presse (Press Arbitration Commission) et la Commission des normes de communication de Corée (Korea Communications Standards Commission), tandis que le Conseil métropolitain de Séoul (Seoul Metropolitan Council), également dirigé par le parti présidentiel, a engagé des poursuites contre quatre cadres dirigeants de MBC pour diffamation. En outre, un journaliste de MBC couvrant les activités du cabinet présidentiel a reçu des menaces de mort en ligne qui lui ont valu d’être placé sous protection policière.
Le Conseil métropolitain de Séoul a, de plus, procédé à des coupes claires dans le financement public du réseau de télévision et de radio Seoul Media Foundation TBS, accusé de “parti pris” et de “manque d’impartialité” dans son traitement journalistique.
La Corée du Sud, l’un des pays les plus démocratiques d’Asie, occupe le 43e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.