Lai, le fondateur d’Apple Daily et lauréat du prix RSF de la liberté de la presse est depuis trois décennies un fervent défenseur du droit à l’information dans le territoire de Hong Kong.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 29 mars 2023.
Le 25 septembre 2023, soit dans six mois, le ressortissant britannique Jimmy Lai sera jugé pour atteinte à la loi de sécurité nationale, pour laquelle il encourt la prison à perpétuité. Le fondateur d’Apple Daily et lauréat du prix RSF de la liberté de la presse est depuis trois décennies un fervent défenseur du droit à l’information dans le territoire de Hong Kong.
Rien ne prédestinait le fondateur de la marque de vêtement Giordano à devenir un symbole du combat pour la liberté de la presse à Hong Kong. Âgé de 12 ans, il arrive dans l’ancienne colonie britannique comme passager clandestin, fuyant sa ville natale de Canton et la Chine maoïste où sévit alors l’une des famines les plus meurtrières de l’histoire. Le jeune réfugié sous-payé apprend l’anglais dans des ateliers de confection et fonde, en 1981, sa marque de vêtements qui connaîtra un succès international et fera sa fortune. Jimmy Lai, devenu citoyen britannique, aurait pu se contenter de faire sa vie dans le milieux des affaires. Mais le massacre de la place Tiananmen, le 4 juin 1989, change son destin et détermine son engagement en faveur de la démocratie et de la liberté de la presse. Un an plus tard, en 1990, il lance le magazine hebdomadaire en langue chinoise Next Magazine puis le journal Apple Daily en 1995.
Ce journal, l’un des derniers titres grand public ouvertement critique contre le régime de Pékin, est devenu un média de premier plan dans le paysage médiatique dynamique de Hong Kong. En représailles de son engagement à couvrir le mouvement pro-démocratie, Apple Daily a subi des pressions constantes de la part des autorités. En juin 2021, la police prenait d’assaut le siège du groupe, tandis que le gouvernement annonçait le gel de ses actifs et l’arrestation de ses principaux dirigeants à leur domicile – six d’entre eux sont toujours détenus. Le 24 juin 2021, après 26 ans d’activité à Hong Kong, Apple Daily publiait sa dernière édition, dont le tirage a atteint le chiffre historique d’un million d’exemplaires, soit dix fois plus que la moyenne quotidienne.
“Il est de notre responsabilité de journalistes d’aspirer à la justice” écrivait Jimmy Lai, dans une lettre rédigée depuis sa cellule en avril 2021. Pressentant de nouvelles attaques contre le média pro-démocratie qu’il a fondé, Jimmy Lai avertissait son équipe : “L’époque s’effondre devant nous, il est temps de se tenir debout et de garder la tête haute.”
Violences et harcèlement judiciaire
Ces trente dernières années, Jimmy Lai a été la cible répétée des autorités. Le 10 décembre 2022, date qui marque ironiquement la Journée des droits de l’homme, le fondateur d’Apple Daily était condamné à cinq ans et neuf mois de prison pour deux accusations abusives de “fraude”, et qui sont venu s’ajouter à la peine de 20 ans déjà prononcée contre lui pour des “rassemblements non autorisés” en 2019 et 2020. Jimmy Lai et son groupe de presse ont par ailleurs été la cible de violences et de harcèlement, notamment de plusieurs incendies criminels.
Jimmy Lai, qui a célébré ses 74e et 75e anniversaires derrière les barreaux, est détenu depuis plus de deux ans et encourt une peine de prison à vie pour “collusion avec des forces étrangères”, chef d’accusation relevant de la loi sur la sécurité nationale pour laquelle il doit être jugé en absence de jury, le 25 septembre 2023. “Rassemblements non autorisés”, “fraude” puis “crimes contre la sécurité nationale”, la multitude des charges retenues ainsi que la sévérité stupéfiantedes peines qui lui sont infligées illustrent la volonté implacable du régime chinois de faire taire cette figure emblématique de la liberté de la presse à Hong Kong.
Jimmy Lai : trois décennies de combat pour la liberté de la presse à Hong Kong
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Un système de censure et de contrôle de l’information
Ces deux dernières années, le gouvernement de Hong Kong a mené une campagne sans précédent contre la liberté de la presse. Elle s’est notamment traduite par des poursuites contre au moins 28 journalistes et défenseurs de la liberté de la presse, dont 13 sont aujourd’hui derrière les barreaux, et la fermeture forcée d’importants médias indépendants, parmi lesquels Apple Daily. Le climat de peur a également contraint cinq médias plus modestes à cesser leur activité.
Dans un rapport intitulé Le Grand Bond en arrière du journalisme en Chine, RSF a révélé, l’année dernière, le système de censure et de contrôle de l’information mis en œuvre par le régime chinois, ainsi que la menace globale qu’il représente pour la liberté de la presse et la démocratie.
Hong Kong, autrefois un bastion de la liberté de la presse, a chuté de la 80e place en 2021 à la 148e place en 2022 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, marquant ainsi la plus forte baisse de l’année. La Chine elle-même se classe 175e sur les 180 pays et territoires évalués.