N’lemvo a déclaré au CPJ que les hommes se sont présentés comme des membres d’une unité de police congolaise chargée de la protection des hauts responsables de l’État alors qu’ils frappaient Kuzikesa, et qu’ils avaient dit que le journaliste de CML13TV était trop critique à l’égard du président Félix Tshisekedi.
Cet article a été initialement publié sur cpj.org le 4 août 2023.
Les autorités de la République démocratique du Congo doivent ouvrir une enquête et demander des comptes aux policiers qui ont agressé les journalistes Louis France Kuzikesa et Will Claes N’lemvo dans un aéroport éthiopien, et empêcher les forces de l’ordre d’intimider la presse, a déclaré vendredi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 30 juillet, une dizaine d’hommes en civil ont frappé et tiré à plusieurs reprises les vêtements de Kuzikesa, présentateur et directeur général de la chaîne privée CML13TV, et de N’lemvo, reporter du site d’information privé Actualité.cd, à l’aéroport international Bole de la capitale éthiopienne, selon N’lemvo, qui s’est entretenu avec le CPJ, et un communiqué d’un groupe congolais de défense des droits des médias.
N’lemvo a déclaré au CPJ que les hommes se sont présentés comme des membres d’une unité de police congolaise chargée de la protection des hauts responsables de l’État alors qu’ils frappaient Kuzikesa, et qu’ils avaient dit que le journaliste de CML13TV était trop critique à l’égard du président Félix Tshisekedi.
« Les policiers de la RDC responsables de l’attaque des journalistes Louis France Kuzikesa et Will Claes N’lemvo à l’aéroport d’Addis-Abeba doivent être identifiés et répondre de leurs actes », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à Durban, en Afrique du Sud. « Cette agression non provoquée montre jusqu’où les autorités congolaises sont prêtes à aller pour intimider ceux jugés critiques à l’égard du gouvernement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières de la RDC. »
Kuzikesa, qui présente un talk-show politique appelé « Libre débat », a refusé de parler au CPJ, invoquant des craintes pour la sécurité.
Kuzikesa a indiqué sur Facebook qu’il était en transit vers la capitale congolaise, Kinshasa, lorsque les hommes, qui se sont présentés comme des agents de sécurité de Tshisekedi, l’ont attaqué et lui ont arraché ses deux téléphones et ses bagages à main.
N’lemvo a déclaré au CPJ qu’il avait commencé à filmer l’incident sur son téléphone, mais que les hommes avaient saisi l’appareil et avaient également commencé à le frapper. Kuzikesa a publié la vidéo de N’lemvo sur X, anciennement Twitter, sur laquelle on voit un groupe d’hommes criant sur le journaliste de CML13TV à l’aéroport.
Selon N’lemvo, la police éthiopienne est intervenue pour mettre fin aux violences et lui avait rendu son téléphone, mais les assaillants ont continué à crier qu’ils retrouveraient les journalistes à Kinshasa.
N’lemvo a déclaré que les journalistes avaient retardé leur vol de retour d’un jour parce qu’ils craignaient pour leur sécurité, ajoutant qu’il avait été soigné dans un hôpital de Kinshasa pour des douleurs au niveau de la bouche et de la poitrine provoquées par les coups, alors que Kuzikesa était indemne.
Le 22 mai, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), organe de régulation des médias de la RDC, a interdit à Kuzikesa d’exercer son métier de journaliste pendant 72 jours et a ordonné une suspension de 45 jours du signal de diffusion de CML13TV. Le CSAC a déclaré dans un communiqué examiné par le CPJ et publié par les médias locaux, que Kuzikesa avait interviewé deux politiciens dont les propos sur une tribu mettaient en péril la cohésion nationale.
Les appels du CPJ au chef de la police de Kinshasa, Blaise Kilimbalimba, sont restés sans réponse.
Le CPJ a documenté à maintes reprises la manière dont les journalistes en RDC sont arrêtés, accusés de délits présumés – notamment de diffamation et de diffusion de fausses informations et poursuivis au pénal dans le cadre de leur travail.
Le CPJ a appelé les politiciens de la RDC et leurs partisans à respecter le droit des journalistes à couvrir l’actualité librement et en toute sécurité à l’approche des élections nationales du 20 décembre, alors que les élections précédentes ont été entachées de violations de la liberté de la presse. Au moins sept journalistes couvrant l’actualité des candidats politiques ont été agressés lors de trois incidents distincts à la fin du mois de juillet.