"L’hécatombe de journalistes à Gaza, dont au moins 79 ont été tués depuis le 7 octobre, exige une réponse déterminée de la CPI."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 8 janvier 2024.
À la suite des deux dernières plaintes déposées par Reporters sans frontières (RSF) auprès de la Cour pénale internationale (CPI), le bureau du procureur Karim Khan assure à l’organisation que les crimes contre les journalistes sont inclus dans son enquête sur la Palestine. Dès 2018, l’action de RSF avait été déterminante pour obtenir que la CPI enquête sur les crimes contre les journalistes.
Au lendemain de la mort du vidéaste indépendant Moustafa Thuraya et du journaliste d’Al Jazeera Hamza Waël Dahdouh, qui porte à au moins 79 le nombre total de journalistes tués en trois mois, RSF est en mesure de révéler que les crimes contre les journalistes font l’objet d’une attention particulière dans l’enquête de la Cour pénale internationale sur la situation en Palestine.
Depuis le 7 octobre, le procureur de la CPI Karim Khan ne s’était jamais exprimé publiquement sur le sort des journalistes. Dans un message adressé le 5 janvier 2024 à RSF, son bureau affirme pour la première fois que les crimes contre ces derniers sont inclus dans son enquête. C’est bien entendu une information cruciale dans un contexte terrible pour les journalistes à Gaza.
Dans sa déclaration, le bureau du procureur de la CPI assure que “les crimes contre les journalistes sont examinés par le bureau du procureur, parmi d’autres crimes potentiels, dans le cadre de l’enquête en cours sur la situation en Palestine, et les objectifs et les actions de RSF doivent être soutenus et revêtent une importance cruciale à Gaza et ailleurs. Les journalistes sont protégés par le droit international humanitaire et le Statut de Rome et ne doivent en aucun cas être pris pour cibles dans l’exercice de leur importante mission.”
Dès 2018, RSF avait déposé une première plainte sur les tirs de snipers israéliens sur des journalistes palestiniens lors de la “grande marche du retour” à Gaza. RSF faisait valoir que deux journalistes tués et 18 blessés avaient été délibérément ciblés et que ces actes relevaient de la qualification de crimes de guerre. En décembre 2019, le rapport annuel d’étape sur l’enquête préliminaire de la procureure de la CPI de l’époque, Fatou Bensouda, à propos de la Palestine, mentionnait pour la première fois les journalistes comme inclus dans cette enquête.
Dans un message adressé à RSF le 21 décembre 2023, Fatou Bensouda assure que l’inclusion des crimes contre les journalistes dans son enquête préliminaire “a résulté de la communication de RSF de mai 2018” à la CPI. Le 3 mars 2021, le procureur annonçait l’ouverture d’une enquête formelle sur la situation en Palestine.
Le procureur de la CPI Karim Khan et sa prédécesseure Fatou Bensouda avaient été sollicités en décembre par RSF qui souhaitait s’assurer de leur compréhension de l’ampleur et la gravité des crimes contre les journalistes palestiniens.
« L’hécatombe de journalistes à Gaza, dont au moins 79 ont été tués depuis le 7 octobre, exige une réponse déterminée de la CPI. Nous avons établi qu’au moins 18 d’entre eux ont été tués dans l’exercice ou en raison de leurs fonctions de journaliste, mais seule une enquête approfondie permettra d’établir avec précision les crimes de guerre contre les professionnels de l’information. L’annonce du bureau du procureur de la CPI à RSF est une bonne nouvelle, que nous saluons. Nous espérons que son enquête avance et débouche rapidement. »
Christophe Deloire, secrétaire général de RSF
RSF n’a eu de cesse de documenter les crimes commis en Palestine contre des journalistes. En mai 2021, à la suite des bombardements d’une vingtaine de médias dans la bande de Gaza par les forces israéliennes, l’organisation a déposé une deuxième plainte pour crimes de guerre. En décembre 2022, RSF a accompagné la plainte déposée par Al Jazeera concernant l’assassinat de la journaliste palestinienne Shirin Abu Akleh en Cisjordanie. Depuis le 7 octobre 2023, RSF a déposé deux plaintes auprès de la CPI – une première le 31 octobre et une seconde le 22 décembre – appelant le procureur à enquêter sur l’ensemble des journalistes palestiniens tués par l’armée israélienne.