« Pendant plus d'une décennie, le Kremlin a persécuté, emprisonné et tourmenté Navalny ... Les autorités russes portent l’entière responsabilité de ce qui est arrivé à Navalny, à commencer par sa première arrestation pour des raisons politiques. »
Cet article a été initialement publié sur hrw.org le 16 février 2024.
Le Kremlin porte la responsabilité de la mort en prison du chef de l’opposition russe Alexeï Navalny, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le service pénitentiaire de l’État russe a annoncé dans une déclaration publique le 16 février que Navalny avait perdu connaissance, et n’avait pas pu être réanimé.
« Pendant plus d’une décennie, le Kremlin a persécuté, emprisonné et tourmenté Navalny », a déclaré Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. « Il n’aurait jamais dû être en prison, en premier lieu. Les autorités russes portent l’entière responsabilité de ce qui est arrivé à Navalny, à commencer par sa première arrestation pour des raisons politiques. »
Navalny, 47 ans, purgeait déjà une peine de prison sur la base de plusieurs accusations fallacieuses lorsqu’il a été condamné en 2023 à 19 ans de prison suite à une nouvelle série d’accusations, notamment d’« extrémisme ». Il s’agissait d’une mesure à peine voilée visant à garantir qu’il reste incarcéré et isolé dans un avenir prévisible, avait alors commenté Human Rights Watch.
Navalny était incarcéré depuis son retour en Russie en 2021 ; il avait suivi un traitement médical à l’étranger, après avoir survécu à une tentative d’empoisonnement en 2020, que de nombreux observateurs imputaient au Kremlin.
Les autorités pénitentiaires l’ont envoyé dans diverses cellules disciplinaires pendant la majeure partie de sa détention, y compris ces derniers jours.
Navalny avait défié les efforts du Kremlin visant à l’intimider et à écraser l’opposition politique, a déclaré Human Rights Watch. Il a refusé de vivre en exil et a profité des audiences judiciaires contre lui pour critiquer sévèrement la répression exercée par le Kremlin en Russie, ainsi que la guerre contre l’Ukraine. Lors d’une audience tenue en prison le 15 février, Navalny a aussi observé que les nombreuses amendes qui lui étaient imposées épuisaient ses moyens financiers.
Les autorités russes ont également ciblé de nombreux alliés, partisans et même des avocats de Navalny, qui sont soit en prison, soit confrontés à des accusations criminelles, en plus d’autres violations de leurs droits.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu de nombreux jugements concluant que les autorités russes avaient violé le droit de Navalny à la liberté et à la sécurité, à un procès équitable, ainsi que les libertés d’expression et d’association, et que ses droits avaient été violés à des fins politiques. La Cour a également constaté que la Russie n’avait pas mené d’enquête efficace sur l’empoisonnement de Navalny.
En vertu du droit international, renforcé par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies et la Cour européenne des droits de l’homme, les États ont l’obligation d’exercer un « devoir de diligence » envers toute personne en détention, et tous les décès en détention doivent faire l’objet d’une enquête efficace menée de manière indépendante et approfondie ; les individus responsables doivent répondre de leur actes.
Le service pénitentiaire russe a déclaré avoir envoyé une commission médicale dans la colonie pénitentiaire de la région autonome de Yamalo-Nenets, où Navalny purgeait sa peine. La branche locale du service national d’enquête criminelle de Russie a déclaré qu’elle mènerait une « enquête procédurale » sur la mort de Navalny.
La porte-parole de Navalny n’a pas immédiatement confirmé sa mort, indiquant que l’avocat de l’opposant se rendait par avion a la colonie pénitentiaire. Elle a ajouté qu’elle ne commenterait pas davantage tant qu’elle n’aurait pas plus d’informations.
« De nombreuses personnes portent la responsabilité de la persécution de Navalny et, finalement, de sa mort, et nous devons œuvrer pour que chacune d’entre elles soit tenue responsable », a déclaré Tirana Hassan. « Les autorités russes devraient abandonner toutes les poursuites sans fondement contre ses partisans, annuler leurs condamnations et abroger toutes les lois répressives qui les ont facilitées. »
Human Rights Watch souhaite exprimer ses condoléances à la famille d’Alexeï Navalny et à ses proches.