Juillet 2024 en Afrique : tour d’horizon de l’état de la liberté d’expression et de l’espace civique, réalisé à partir des rapports des membres de l’IFEX et des nouvelles de la région, par Reyhana Masters, rédactrice régionale de l’IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Le Media Institute of Southern Africa (MISA) a exprimé son choc et son indignation face à la mort par balle de l’animatrice de radio du Lesotho Pulane Macheli. Elle a été abattue aux côtés du célèbre musicien famo, Khopolo Kholuoe, le 21 juillet. Pulane Macheli, de MXXL Radio, essayait de « négocier la paix entre les groupes de musique famo en guerre entre eux », rapporte MISA.
[ Traduction : DÉCÈS DE LA LÉGENDE DE LA MUSIQUE FAMO LISUOA Le célèbre musicien Khopolo Kholuoe, également connu sous son nom de scène Lisuoa, a été abattu le samedi 21 juillet à Masowe. Une présentatrice de radio populaire, Pulane Macheli, qui l’accompagnait, a également été confirmée morte. ]
Plus tôt cette année, le chef de la police par intérim Mahlape Morai avait publié une déclaration affirmant que la publication d’interviews de groupes de musique Famo était une infraction pénale pour les journalistes. En réponse, MISA-Lesotho avait publié une déclaration condamnant cette décision en déclarant que « les médias doivent fonctionner sans crainte, représailles ou censure de la part des autorités gouvernementales ».
Pulane Macheli est la deuxième animatrice de radio à être abattu au Lesotho en l’espace de deux ans. Il y a plus d’un an, le journaliste Ralikonelo « Leqhashasha » Joki avait été tué après avoir terminé son service sur la radio TS’ENOLO FM dans la capitale, Maseru.
Une sombre chronologie des disparitions de journalistes au Burkina Faso
Alain Niozè Traoré, plus connu sous le nom d’Alain Alain, est le quatrième journaliste à disparaitre au Burkina Faso en l’espace de deux semaines. Selon un communiqué du groupe Omega Media, le 13 juillet à 5 heures du matin, le responsable du service linguistique a été enlevé à son domicile par des hommes armés qui se sont présentés comme des agents de l’Agence nationale de renseignement (ANR).
Cela survient deux semaines seulement après la disparition d’Adama Bayala, journaliste à la chaine de télévision privée BF1 et responsable du Réseau national des consommateurs du Faso (RENCOF). Selon la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest, « ni sa famille ni ses collègues n’ont eu de ses nouvelles depuis qu’il a quitté son bureau vers 14 heures le 28 juin. »
Selon Human Rights Watch (HRW): « … quelques jours avant que Bayala ne soit porté disparu, un message menaçant publié sur la page Facebook pro-junte militaire Anonymous Élite Alpha, avertissait qu’il « serait le prochain ». Le message faisait référence à des enlèvements antérieurs de journalistes et de dissidents.
[ Traduction : #BURKINAFASO Grave préoccupation exprimée par @TheMFWA concernant le déclin de la liberté des médias et l’enlèvement des journalistes Alain Niozè Traoré, Kalifara Seré, Serge Oulon et Adama Bayala : ]
Plus tôt en juin, un autre journaliste de BF1, Kalifara Séré, a également été porté disparu. Comme l’a rapporté IFEX dans sa lettre de veille de juin, son collègue Atiana Serge Oulon a été enlevé à son domicile de la même manière qu’Alain Alain.
La chaîne de télévision privée pour laquelle Bayala, Séré et Oulon travaillaient a également été la cible de l’hostilité de la junte militaire. Avant la disparition de Séré, le Conseil Supérieur de la Communication (CSC) avait suspendu l’émission 7 Infos sur BF1 pendant deux semaines. « Le 25 juin 2024, des partisans du président Ibrahim Traoré ont organisé un sit-in devant la cour de BF1 pour demander à la direction de la station de changer sa ligne éditoriale », rapporte MFWA.
Contexte géopolitique
Le musellement des voix critiques par des suspensions, des agressions et des disparitions forcées se font dans un contexte de rupture des liens du Burkina Faso, du Mali et du Niger avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Parmi les différentes raisons invoquées pour justifier la formation de l’Alliance alternative des États du Sahel, figure le fait que le Niger, le Mali, et le Burkina Faso voient « la CEDEAO comme un outil aux mains des puissances occidentales et une menace pour leur souveraineté. Ils la voient aussi comme une organisation qui s’est éloignée de ses idéaux panafricains d’origine, préférant souvent défendre des dirigeants mal élus et des occidentaux plutôt que les attentes de leurs populations. »
[ Traduction : Conséquences du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont dit adieu à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Ces trois pays, actuellement dirigés par des militaires, affirment vouloir quitter la CEDEAO ]
Alors que les analystes se concentrent sur les impacts socio-économiques du retrait des trois États, le rapport de Reporters sans frontières « Le métier de journaliste au Sahel » souligne que « au Mali et au Burkina Faso, les gouvernements militaires qui ont pris le pouvoir par coups d’État n’ont pas hésité à remodeler le paysage médiatique en expulsant des journalistes et en fermant les antennes locales des médias internationaux.
Réduire au silence les voix critiques en Guinée
En ce qui concerne les disparitions forcées, Oumar Sylla (plus connu sous le nom de Foniké Menguè), Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé – trois membres de la coalition de l’opposition – ont été arrêtés par les forces de sécurité guinéennes. HRW rapporte que « des dizaines de soldats, dont certains seraient des membres des forces spéciales, des gendarmes et des hommes armés en civil, ont détenu arbitrairement et battu à plusieurs reprises les trois hommes avant de les emmener d’abord au siège de la gendarmerie à Conakry, puis dans un camp militaire sur l’île de Kassa, au large de Conakry. Une déclaration du FNDC [coalition de l’opposition] a laissé entendre que les trois hommes ont été torturés lors d’interrogatoires extrajudiciaires. »
[ Traduction : : #Guinée Cela fait deux semaines que nous sommes sans nouvelles des activistes Oumar Sylla et Mamadou Billo, qui ont été arrêtés, selon des témoins, par les forces de défense et de sécurité le 9 juillet. ]
L’étouffement des voix par les autorités guinéennes est également partagé par les médias, qui sont aux prises avec des arrestations arbitraires et de nombreuses suspensions. Cette situation est exacerbée par la décision de l’autorité de transition du pays de revenir à un régime civil. Pour expliquer les promesses non tenues de l’après-coup d’État, le géopolitologue togolais Komlan Avoulete souligne : « Ces dirigeants militaires feront tout pour rester en place le plus longtemps possible afin de résoudre les différents problèmes qui les ont conduits à prendre le pouvoir en premier lieu […] [les] conséquences à long terme de ces stratégies de transition prolongées sont difficiles à prévoir. »
Rwanda : une victoire électorale écrasante dans un contexte répressif
La victoire écrasante à 99 % des suffrages exprimés de Paul Kagame lors de l’élection présidentielle, face à Frank Habineza du Parti démocratique vert du Rwanda (opposition) et au candidat indépendant Philippe Mpayimana – qui n’ont collectivement obtenu que 0,82 % des suffrages – était une certitude.
L’échéance électorale rwandaise a été précédée d’une campagne minimale, puisque l’opposante de longue date Victoire Ingabire, ainsi que son adversaire Bernard Ntaganda et la femme d’affaires de renom Diane Rwigara, ont été empêchés de se présenter. De plus, Herman Manirareba, Innocent Hakizimana, Fred Sekikubo Barafinda, Thomas Habimana et Jean Mbanda n’ont pas été autorisés à se présenter car ils n’ont pas pu soumettre à temps les documents électoraux nécessaires à l’organisme de gestion électorale du pays.
Le paysage politique rwandais est restreint. Les journalistes et autres voix d’opposition sont réduits au silence par l’intimidation, la persécution judiciaire, les disparitions forcées ou, comme dans le cas du journaliste John Williams Ntwali, la mort dans des circonstances suspectes.
[ Traduction : Au #Rwanda, la mort de John William Ntwali soulève des questions. Le journaliste était connu comme critique envers le régime de Paul #Kagamé. Il serait mort dans un accident de la route, mais @Cheikhsadbu, de #Reporterssansfrontière, se demande s’il s’agissait bien d’un accident. ]
Ces violations des droits humains ne se cantonnent pas dans les frontières nationales. À travers des entretiens avec plus de 150 personnes résidant dans divers pays du monde, HRW a documenté « de nombreux cas de meurtres, d’enlèvements, de disparitions forcées et d’agressions physiques visant des Rwandais à l’étranger. Dans de nombreux cas, les proches des personnes interrogées au Rwanda ont eux-mêmes été la cible de détentions arbitraires, de torture, d’assassinats présumés, de harcèlement et de restrictions de mouvement pour exercer des pressions sur les membres de leur famille à l’étranger afin qu’ils cessent leur activisme. Cela a effectivement réduit de nombreuses personnes au silence. »
Le chroniqueur et analyste politique indépendant Sanny Rwego Ntayombya suggère que « la confiance des Rwandais envers Kagame et le FPR reste inébranlable, même si les candidats qui ont été disqualifiés avaient été autorisés à se présenter. » Ce sentiment est partagé par Peter Fabricius, qui explique que « de nombreux Rwandais pourraient bien soutenir Kagame pour son gouvernement relativement efficace et son intolérance envers les fonctionnaires incompétents et corrompus. Pour ces avantages, les citoyens semblent prêts à supporter l’autoritarisme de Kagame. »
Pour la communauté internationale, « le Rwanda est devenu le chouchou des donateurs et des investisseurs. Ils seront probablement satisfaits d’une victoire de Kagame car elle devrait assurer la stabilité et le développement continus d’une région longtemps paralysée par des conflits. »
La Mauritanie perturbe Internet durant des tensions post-électorales
Contrairement aux élections pacifiques du Rwanda, le scénario post-électoral en Mauritanie a été chargé de tensions : les partisans du candidat rival Biram Ould Dah Abeid sont descendus dans la rue pour protester contre la réélection du président Mohamed Ould Ghazouani. Les affrontements avec les forces de sécurité ont culminé avec la mort de trois manifestants, suivie de près par des perturbations des infrastructures de l’internet mobile ; les réseaux fixes sont restés opérationnels. La connectivité Internet a été interrompue dès les premières heures du 2 juillet et rétablie 22 jours plus tard.
[ Traduction : Les autorités mauritaniennes ont suspendu les services d’internet mobile en réponse aux manifestations qui ont éclaté ce matin dans la capitale Nouakchott et dans d’autres lieux du pays]
Cette interruption ciblée vient entacher les félicitations reçues par la Mauritanie, qui a fait un bond significatif dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, passant de la 53e à la 33e place, ce qui la place au premier rang sur le continent africain.
En bref
L’acquittement du journaliste nigérian Agba Jalingo de Cross River Watch des accusations de cybercriminalité est décrit par l’Institut international de la presse comme « une étape historique dans le respect des droits fondamentaux et la protection de la liberté de la presse, face à la sévérité croissante des lois sur la cybercriminalité sur le continent ».
Les anciens députés de l’Eswatini, Mduduzi Bacede Mabuza et Mthandeni Dube, arrêtés en 2021 pour leur implication dans des manifestations en faveur de la démocratie, ont été condamnés respectivement à 25 et 18 ans de prison Pendant leur détention, Mabuza et Dube ont tous deux été battus et se sont vu refuser l’accès aux soins médicaux et à une représentation juridique.
Alors que le Ghana se prépare à des élections à la fin de l’année, MFWA a repris son suivi du contenu de nombreux programmes de radio, dans le cadre d’une série d’interventions visant à promouvoir « des récits sociaux et politiques inclusifs, dépourvus de discours de haine, de récits toxiques et polarisants ». Le premier rapport, basé sur des données de juin, a relevé 46 incidents d’ « expressions incendiaires », la majorité (54,4 %) s’étant produite lors de débats sur : les élections (21,7 %), la sécurité (10,9 %), la corruption (10,9 %) et les projets de développement (10,9 %). Viennent ensuite les questions liées à la présidence (8,7 %).