Malgré la régularité alarmante des diatribes anti-médias de Donald Trump, elles font rarement l'actualité, et encore moins les gros titres.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 25 octobre 2024.
Durant la campagne présidentielle américaine, qui arrive à son terme le 5 novembre, le candidat républicain et ancien président Donald Trump a intensifié sa guerre contre la presse libre, attaquant verbalement les médias plus de 100 fois au cours des deux derniers mois. Pourtant, ces attaques ne font plus que rarement la une des journaux. Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète du fait que les médias américains – et par conséquent, le grand public – ne prennent pas conscience de la menace existentielle que les attaques de Donald Trump font peser sur la liberté de la presse américaine.
Sur une période de huit semaines analysée par RSF, Donald Trump a insulté, attaqué ou menacé les médias au moins 108 fois dans des discours ou des remarques publiques entre le 1er septembre et le 24 octobre. Un chiffre qui n’inclut pas les messages sur les réseaux sociaux ou les remarques d’autres personnes liées à la campagne.
Au début d’un discours prononcé le 18 septembre lors d’un rassemblement de campagne à Uniondale, dans l’État de New York, Donald Trump a déclaré à la foule de ses partisans qu’il avait un message à adresser aux “faux médias d’information”. Il a ensuite fait un signe vers le fond de la salle où était rassemblée la presse, en disant : “Regardez comme ils sont nombreux.” De nombreux partisans ont alors commencé à huer et à railler bruyamment les journalistes. Des épisodes similaires de colère collective dirigée contre les médias présents sont devenus réguliers lors des rassemblements de Donald Trump, au point qu’ils semblent faire partie du script.
Malgré la régularité alarmante des diatribes anti-médias de Donald Trump, elles font rarement l’actualité, et encore moins les gros titres. Au cours de la période analysée, RSF n’a trouvé qu’un seul cas de couverture médiatique locale d’un rassemblement de Donald Trump en octobre qui mentionnait qu’il encourageait la foule à dénigrer la presse. Si les penchants anti-médias de Donald Trump sont bien connus, la régularité et l’intensité de ces attaques passent désormais largement inaperçues.
« Les tirades de Donald Trump contre la presse sont devenues si banales que nous risquons de ne plus les remarquer. Mais la régularité de ses attaques ne fait qu’ajouter à l’urgence de les dénoncer. On ne saurait trop insister sur les dangers d’un manque de conscience quant aux attaques de Donald Trump contre les médias : ce qui commence comme une insulte verbale peut facilement se transformer en quelque chose de bien plus grave, si rien n’est fait. RSF est profondément préoccupé par le fait qu’une rhétorique violente peut facilement conduire à des actes violents. »
Clayton Weimers, Directeur du bureau Amérique du Nord de RSF
Le colistier de Donald Trump, le sénateur J. D. Vance, a mis au point sa propre méthode pour attiser les conflits entre les partisans et les journalistes pendant la campagne. J. D. Vance organise souvent des conférences de presse avec ses partisans, qui huent bruyamment tout journaliste qui pose une question au candidat à la vice-présidence.
L’hostilité de Donald Trump à l’égard des médias n’est pas nouvelle. L’ancien président qualifie depuis longtemps accusé les médias qui le critiquent de “fake news” (“fausses nouvelles”), utilisant ce terme jusqu’à 2 000 fois au cours de sa présidence. Cependant, ses diatribes contre la presse sont devenues plus menaçantes et encouragent de plus en plus la participation du public, ce qui augmente potentiellement la possibilité d’une confrontation violente entre ses partisans politiques et les médias. Un autre aspect alarmant et nouveau est le fait que Donald Trump associe ces attaques verbales à des projets d’utilisation du gouvernement comme arme contre ceux qu’il perçoit comme des “ennemis” dansles médias.
Les menaces de Donald Trump visant les médias
Donald Trump a menacé à plusieurs reprises d’utiliser les armes du gouvernement américain contre les médias lorsqu’il n’est pas satisfait de leur couverture médiatique. Il a lancé au moins 15 appels pour que les stations de télévision se voient retirer leur licence de diffusion, un pouvoir que le président ne possède pas.
À la suite de l’interview de la candidate démocrate Kamala Harris dans le programme “60 Minutes” de la chaîne CBS, Donald Trump a accusé l’émission d’avoir manipulé les réponses de Kamala Harris pour les rendre plus flatteuses, et a publié sur son site de médias sociaux Truth Social que “CBS devrait perdre sa licence”. Il a ensuite redoublé d’efforts contre CBS lors d’une interview avec Fox News, en déclarant : “Nous allons utiliser en justice leurs enregistrements.”
Donald Trump a demandé qu’ABC News soit punie après la diffusion par la chaîne de son débat avec kamala Harris. L’ancien président a également déclaré que Comcast – la société mère de NBC News et de MSNBC – ferait l’objet d’une enquête pour “trahison” s’il était élu.
Après la publication, en mai 2022, d’un projet de décision de la Cour suprême sur l’affaire Roe v. Wade, Donald Trump a déclaré que les journalistes qui avaient révélé l’affaire devraient être emprisonnés jusqu’à ce qu’ils livrent leurs sources.
La confiance dans les médias n’a jamais été aussi basse
Les attaques de Donald Trump contre les médias contribuent à une crise plus générale de méfiance du public à l’égard des médias. Selon le Pew Research Center, la confiance des républicains dans les médias n’a cessé de diminuer depuis que Donald Trump a remporté l’élection présidentielle de 2016. En 2024, seuls 40 % des républicains “ont une grande ou une certaine confiance dans les informations provenant des organismes de presse nationaux”. Ce chiffre est à peu près égal à la part des Républicains qui disent avoir le même niveau de confiance dans les informations provenant des sites de médias sociaux, malgré l’épidémie de désinformation, bien documentée, sur ces réseaux.
Le manque de confiance dans les médias, le sentiment croissant d’insécurité chez les journalistes et l’hostilité manifeste de politiciens comme Donald Trump sont autant de facteurs qui ont contribué à la chute des États-Unis à la 55e place sur 180 pays dans le Classement de la liberté de la presse de RSF. En réponse à ce recul, RSF a exhorté Donald Trump et Kamala Harris à adopter dix propositions politiques pour renforcer la liberté de la presse américaine et repositionner les États-Unis en tant que leader mondial en la matière.