RSF identifie cinq tactiques répressives clés attestant de la situation critique de la liberté de la presse en Chine.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 13 novembre 2024.
Alors que la Chine vient de célébrer sa “Journée nationale des journalistes”, Reporters sans frontières (RSF) alerte sur la répression de la liberté d’information menée par le régime chinois, qui menace la survie même du journalisme indépendant. Maltraitances et tortures de journalistes emprisonnés, détentions arbitraires, censure et harcèlement systématique : en cinq points, RSF dresse un état des lieux accablant de la situation de la presse dans le pays.
Comme chaque année, le 8 novembre dernier, le régime chinois a célébré sa “Journée nationale des journalistes”, un événement annuel consacré à glorifier son appareil de propagande médiatique. À cette occasion, l’Association des journalistes de Chine (ACJA), organisation affiliée à l’État, a décerné ses prix annuels du “journalisme”. Sans surprise, le premier prix a été attribué à un article de l’agence de presse officielle Chine nouvelle exaltant l’autorité croissante du leader chinois Xi Jinping.
« La célébration d’une ‘Journée des journalistes’ par le régime chinois ne trompe personne. Face à cette démonstration de propagande, il est crucial de rappeler que la répression implacable menée par Pékin contre la liberté de la presse menace l’existence même du journalisme dans le pays. Nous appelons la communauté internationale à intensifier sa pression sur le régime chinois pour qu’il cesse de violer la liberté de la presse, pourtant inscrit dans sa propre constitution. »
Cédric Alviani, Directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF
Cinq faits attestant de la situation critique de la liberté de la presse en Chine :
- Journalistes tués, maltraités et torturés : le recours du régime à la violence contre les journalistes est généralisé. En novembre 2023, le journaliste indépendant Sun Lin a été battu à mort par des agents de la Sécurité d’État à son domicile, quelques jours après avoir diffusé des vidéos de manifestations contre le leader chinois Xi Jinping. En 2017, le lauréat du prix Nobel de la paix et du prix RSF de la liberté de la presse Liu Xiaobo, ainsi que le commentateur politique Yang Tongyan, sont décédés des suites de cancers non traités en détention.
- Plus grande prison de journalistes au monde : au moins 122 journalistes et défenseurs de la liberté de la presse sont actuellement détenus en Chine, dont Zhang Zhan, journaliste condamnée en 2020 à quatre ans de prison pour avoir couvert l’épidémie de Covid-19, et aujourd’hui de nouveau détenue pour avoir “provoqué des querelles et des troubles”.
- Harcèlement et surveillance : les journalistes qui couvrent des sujets sensibles sont constamment suivis et surveillés. Selon l’enquête annuelle 2024 du Club des correspondants étrangers en Chine (FCCC), la grande majorité (81 %) des journalistes interrogés jugent « probable ou certain » que les autorités aient compromis leur application de messagerie WeChat, et quatre sur cinq ont signalé des actes d’ingérence, de harcèlement ou de violences.
- Exclusion des journalistes étrangers : le régime chinois utilise de plus en plus la politique du chantage au visa pour restreindre l’accès des journalistes étrangers à son territoire. Selon l’enquête 2024 du FCCC, près d’un tiers des journalistes interrogées déclarent que leurs bureaux manquent de personnel en raison de l’incapacité de recruter les reporters nécessaires.
- Répression transnationale : le régime étend sa répression du droit à l’information bien au-delà des frontières chinoises. En 2015, l’éditeur suédois Gui Minhai a été enlevé en Thaïlande, puis condamné en 2020 à dix ans de prison en Chine pour “diffusion illégale de secrets d’État”. Les journalistes ouïghours vivant à l’étranger sont particulièrement ciblés par le régime, à l’image de Kasim Abdurehim Kashgar, dont des amis ont été arrêtés en représailles à son travail journalistique.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, Xi Jinping a restauré une culture médiatique digne de l’ère maoïste, où chercher ou transmettre librement l’information est devenu un crime. Le rapport de RSF, Le grand bond en arrière du journalisme en Chine, révèle les efforts du régime pour contrôler l’information et les médias tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières.
La Chine se classe dans les tréfonds du Classement mondial 2024 de la liberté de la presse élaboré chaque année par RSF, au 172e rang sur 180 pays et territoires évalués.